Archéologie / Un musée tout neuf voit le jour au bord du lac de Paladru qui a conservé, durant des milliers d'années, les trésors archéologiques désormais abrités dans ce bâtiment en forme de pirogue. Visite du Malp, qui a accueilli ses tout premiers visiteurs le 7 juin.
La rue du Musée n'existe pas encore dans le GPS, mais on n'a aucune difficulté à tomber dessus dans ce village isérois de 2500 âmes. Au bord des eaux de Paladru, une énorme pirogue nous regarde. On la contourne pour découvrir l'entrée toute neuve du Malp, joli acronyme pour Musée archéologique du lac de Paladru.
Niveau architecture, c'est franchement réussi. Le bâtiment imaginé par Basalt & A-Team est moderne sans être clinquant, la représentation de la pirogue fonctionne, il s'intègre bien au paysage lacustre et verdoyant (destiné à être de nouveau modifié puisqu'un quartier entier semble se construire dans cette fameuse future rue du Musée).
À l'intérieur, une grande pirogue, une vraie cette fois, accueille le visiteur, en face du comptoir. Puis le cœur du projet : tout est disposé sur un seul plateau, dans une vaste pièce qui s'ouvre sur une terrasse aspirant le regard vers les arbres et le bleu du lac. De quoi rendre fier Bruno Cattin, président de la Communauté de communes du Pays Voironnais, qui a investi 2, 6 millions d'euros pour « bâtir un écrin qui soit à la hauteur de la valeur des collections issues de plusieurs décennies de fouilles ». Le reste du financement provient de l'État (1, 14 million d'euros), de la région Auvergne-Rhône-Alpes (1, 12 million d'euros), du département de l'Isère (1 million d'euros), et 140 000 euros du dispositif européen Leader.
« Y a-t-il autre chose dans le lac ? Sans doute »
Évidemment, l'ouverture du musée, après deux ans et demi de travaux, a été plus tardive qu'annoncé au départ ; pas tellement en raison de la construction elle-même du bâtiment, mais plutôt à cause des réglages ultra précis nécessaires à l'accueil de pièces très fragiles. Mises à disposition principalement par le musée Dauphinois, sous forme de dépôt, 600 pièces archéologiques sorties des eaux sont conservées à une température stable, sous des vitrines (sur une dizaine de milliers d'objets retrouvés, au total). Deux ères sont représentées : le Néolithique (ici 2669 ans avant JC), avec une série d'objets trouvés entre 1972 et 1986, et la période médiévale (en l'an 1007 après JC), dont les témoins ont été mis au jour dans un second temps. « Y a-t-il autre chose dans le lac ? Sans doute », indique la directrice du musée flambant neuf, Isabelle Dahy. Entretenant ainsi le mystère et le désir de retrouver des pièces aussi précieuses que celles qui trônent au Malp : de remarquables poignards fabriqués en Touraine avant de servir à leurs propriétaires des bords du lac, ou encore des pelotes de fil et un fond de panier en osier « très rare, dans un état de conservation remarquable ».
Des armes, des embarcations, des équipements équestres... Les objets du quotidien de ces lointains aïeux témoignent de la vie qu'ils menaient au bord du lac naturel de Paladru. À partir de ces pièces, les archéologues parviennent à en dire beaucoup ! « En 1006, nous sommes dans une période de transition géopolitique », explique ainsi la guide, devant des fers à cheval vieux de plusieurs siècles. « L'interprétation des scientifiques, c'est que le royaume de Bourgogne charge la famille de La Tour – qui donnera son nom à La Tour-du-Pin – de structurer le territoire ; celle-ci installe son pouvoir, d'où les traces de présence de cavaliers en armes. » Illustration de la vocation du Malp : donner au public une idée assez précise de l'existence de ces populations (habitat, alimentation, artisanat...) grâce à ce que racontent les objets exposés. Des petits jeux pédagogiques pour enfants émaillent le parcours – laissé très libre, on navigue d'objet en objet à sa guise –, ainsi que des écrans tactiles, un espace projection, ou encore des maquettes reproduisant un village lacustre qui facilitent la représentation de ce que fut le lac de Paladru il y a fort fort longtemps.
Le défi, maintenant, est de faire vivre ce musée-pirogue archéologique, dont l'exposition permanente restera toujours la même, l'équipement n'ayant pas de réserve ou de collection en dehors de celle exposée. Pour cela, il faudra aller au-delà des simples visites guidées ou scolaires et ne pas hésiter à sortir des sentiers battus. Le Malp s'y attelle : à peine ouvert, de nombreux ateliers sont déjà prévus pour enfants, familles et aussi adultes. Des expositions temporaires se succéderont. La première, construite avec l'Inrap (Institut national de recherche archéologique préventive), s'intitule Ce que nous murmurent les murs. Archéologie du bâti et des constructions, et porte sur tous les moyens qu'ont imaginés les hommes pour s'abriter depuis le Néolithique. Vendredi 17 juin, une conférence : Vivre en habitat palafitte au bord du lac de Paladru, il y a 5000 ans, esquisse des sociétés néolithiques dans les Alpes du Nord. Intéressant, mais si vous cherchez du plus sexy, rendez-vous lors des Journées européennes de l'archéologie, samedi 18 et dimanche 19 juin : avec Archéologie, une histoire à découvrir, le Malp propose aux familles de se glisser dans la peau d'un détective archéologue, avec tous les outils scientifiques nécessaires pour décrypter la vie des hommes du Néolithique (c'est gratuit). Sinon, tout au long de l'été, "L'express du Malp", une présentation d'un objet particulier du musée, en 30 minutes, est l'activité idoine entre la plage et l'apéro. Enfin, la compagnie du Chat du Désert, pilotée par le comédien Grégory Faive, a conçu un spectacle tout exprès pour l'ouverture du Malp, On n'a toujours pas retrouvé de baleine au fond du lac de Paladru, qui sera présenté le même week-end à deux pas d'ici, au Grand Angle de Voiron.
Musée archéologique du lac de Paladru ouverture le 7 juin, programme sur www.malp.fr. Entrée de 0 à 5€ (incluant l'entrée au musée Mainssieux de Voiron), gratuit le premier dimanche de chaque mois et lors d'événements spéciaux