«Le rapport à l'insolite, c'est mon métier»

Entretien / Rencontre avec le Directeur de L'Hexagone Antoine Conjard. Propos recueillis par SD


Les Rencontres I sont un succès. Comment l'expliquez-vous, alors que le concept n'était pas, a priori, fédérateur? Antoine Conjard : D'abord cela montre que les gens sont curieux et que le public n'est pas si idiot qu'on veut bien nous le dire (rires). Il y a deux éléments. D'abord, le rapport à l'insolite attire. En ce moment je lis le livre de Leroy-Gourhang Le geste et la parole. L'auteur décrit qu'au cours de l'évolution de l'homme ce dernier, montre des signes d'attirance pour «le rapport à la mort et le rapport à l'insolite». Cela a produit un déclic chez moi : le rapport à l'insolite c'est mon métier, car c'est sortir du quotidien. Et dans les Rencontres I, on essaie de provoquer cela. L'autre ingrédient, c'est qu'on n'est pas des spécialistes. On évoque des questions lourdes en restant léger et en affirmant cette position du citoyen, qui, bien que débordé, se pose des questions et les confronte. Sur quels critères choisissez-vous un spectacle ?Le spectacle c'est passer un bon moment. Premier critère que j'associe toujours avec le fait que ce spectacle doit me nourrir, il faut que cela puisse susciter discussions. Le deuxième critère va quelques fois modifier le premier : c'est-à-dire qu'on peut passer un bon moment avec le souvenir d'une question posée qui nous taraude. Se divertir c'est faire diversion, se sortir de notre quotidien.Qu'est-ce qui demanderait a être amélioré dans le paysage théâtral de l'agglo ?Ce qui me paraît le plus nécessaire, c'est d'enrichir et de renouveler le paysage théâtral. Globalement il a été secoué par la longue période de requalification du Cargo, et par la disparition du Rio. Il faut maintenant que la politique culturelle se réaffirme. C'est en train de se passer, il faut laisser le temps au temps. Il faut que les jeunes artistes émergent aussi. Le Conservatoire de Théâtre a un rôle primordial là-dedans, qu'il tient parfaitement. La formation en danse, arts plastiques, musique est aussi importante. Une synergie doit avoir lieu. Un dispositif d'accompagnement de la Ville de Grenoble a été mis en place, il y a des scènes de niveau international et national : il faut que les artistes s'y mettent.En ouvrant les scènes à des univers théâtraux forts venus d'ailleurs, la jeune création pourrait mieux se nourrir et donc se définir ?Oui, c'est clair qu'un artiste doit se nourrir de ce qui se fait ailleurs. C'est un des rôles qu'on peut avoir nous. Mais quand on voit l'expérience d'Adrien Mondot qui a éclot grâce à une Scène Nationale à Reims, comment nous on permet aussi aux gens qui viennent de Reims, de Bilbao, d'ailleurs, d'émerger ? Les artistes n'ont pas de frontières. Le but n'est pas de rester grenoblo-grenoblois, mais par contre, la question c'est comment un artiste trouve quelque part les moyens de son expression.


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C’est sympa le théâtre...