M le Merveilleux

Exposition / Si Êtres fantastiques revient sur les narrateurs qui ont rendu possible la connaissance de mythes, si elle passe en revue quelques figures fantastiques, cette riche exposition au Musée Dauphinois, nous renvoie surtout à l'homme. SD


Car à l'origine, pourquoi l'homme a t-il eu la nécessite d'inventer des créatures fantastiques ? Pour comprendre le monde. Car là où les explications rationnelles viennent à manquer, l'imagination s'épanouit. Ces figures fantastiques, qui prennent donc naissance dans notre cerveau, émaillent de nombreux récits, légendes - d'ici ou d'ailleurs - et constituent un patrimoine immatériel : les croyances. Vaste chemin d'exploration aux confins de l'ethnologie et de l'anthropologie que l'équipe du Musée Dauphinois (cette année centenaire) a rendu accessible. Et ce, grâce à une scénographie de Jean-Noël Duru, qui nous plonge dans un rêve éveillé en parfaite adéquation avec le contenu de l'expo. Dans une première salle d'un bleu intense, une maison centrale abrite quelques objets symboles des lieux où s'échangent, se transmettent ces récits légendaires par les voix de passeurs. Après ces rappels nécessaires et toujours étourdi par des flots de lumières et de couleurs, le visiteur pénètre au cœur des récits, et du coup accède à des connaissances surprenantes sur les rapports de l'homme et de ces créatures. Pas de fées autour du berceau !Dans un corridor, des voix venues du "ciel", nous content des récits du 12è et 13è siècles qui furent collectés par des ecclésiastiques érudits de l'époque. L'on apprend pourquoi la ville de Tarascon porte ce nom ; comment le Drac (dragon) enlève les femmes grâce à des anneaux en or ; comment Marthe a fait une rencontre "frivole" avec un dragon. Plus tard, aux 19è et 20è ce sont les ethnologues, - dont le fameux Charles Joisten qui fut Conservateur du Musée de 67 à 81 et grâce à qui cette exposition a pu être réalisée, - qui ont collecté nombre de documents sur ces récits. Du village de Réotier en Isère, l'on écoute la voix de Marie Vasserot conter des histoires étranges. Jouxtant ce document sonore, des images d'une transe africaine nous rappellent que ces croyances se retrouvent ailleurs sur la planète. Enfin, dans un décor sorti d'un rêve d'Alice aux pays des merveilles, ces figures fantastiques nous sont expliquées grâce à différents supports : objets, vidéos, sons, qui sont réunis dans des armoires fermées. Celles-ci, attisent notre curiosité. Après avoir cédé à la tentation, l'on apprend par exemple que l'homme sauvage est originairement l'étranger. Que dans certaines régions, comme en Italie, il est encore aujourd'hui fêté. Cette démarche muséale relie sans cesse passé-présent et montre que ces croyances du passé habitent encore notre inconscient et perdurent dans nos sociétés. On savait bien des choses sur les fées, mais pas forcément la vérité : elles sont velues, effrayent le bétail et volent les bébés. On découvre la Chauchevieille, vieille étouffant la poitrine du dormeur, dont la désignation actuelle est cauchemar où paralysie du sommeil. Des témoignages contemporains sur le phénomène de paralysie du sommeil actualisent étrangement cette croyance. Enfin, le dernier document est une vidéo de Nikita, jeune femme vivant aujourd'hui dans un clairière. Elle nous parle des lutins qu'elle sent autour d'elle et qui souffrent. Aujourd'hui, l'homme aurait-il besoin de s'inventer ou de voir un autre monde pour soutenir une réalité dans laquelle il serait mal à aise ? Êtres Fantastiques, de l'imaginaire alpin à l'imaginaire humainjusqu'au printemps 2008 au Musée Dauphinois


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