Bribes érotiques

eros / Pour rendre hommage au maestro, le producteur Stéphane Tchalgadjieff a monté ce projet omnibus où Antonioni est entouré de deux de ses plus grands fans. Au jeu de la suggestion sensuelle, un élève a dépassé le maître… FC


L'origine du projet se trouve dans un recueil publié par Michelangelo Antonioni, Ce bowling sur le Tibre. Un livre composé de notes en tout genre, de jets de scénarios non réalisés ou irréalisables, d'idées en vrac, dont le réalisateur déclinant avait déjà tiré le scénario inégal de Par-delà les nuages. Âgé de 92 ans lors du tournage, Antonioni nous joue la carte d'un artiste revisitant une nouvelle fois ses obsessions charnelles, trouvant dans la quête et la contemplation du corps féminin le palliatif aux errances stylistiques imputables à sa condition. Premier film de cette anthologie, Le périlleux enchaînement des choses flirte avec bravoure sur le terrain érotique (belles scènes de la plage et de la “traque“ amoureuse), son unique raison d'être, et s'égare dès que la mécanique du couple y est disséquée, ou que la caméra s'attarde sur le jeu compassé de Christopher Buchholz. Mais il reste suffisamment de cinéma et de désir à se mettre sous les yeux pour ne pas y voir que l'œuvre d'un vieil homme libidineux (dixit quelques critiques “éclairés“).Main de veloursAvec le très mal nommé Équilibre, Soderbergh, débarqué tardivement sur le projet en remplacement de Pedro Almodovar, nous livre probablement son œuvre la plus anodine (pas loin devant Full Frontal !), à coups d'expérimentations inabouties sur l'image et d'un script prenant bien soin de ne jamais aller jusqu'au bout de ses petites idées. Le meilleur reste cependant à venir ; tourné pendant la production chaotique de son 2046, avec deux de ses acteurs (Gong Li et Chang Chen), La main de Wong Kar-Wai est à n'en point douter l'âme cinématographique de ce projet. Relation trouble entre un tailleur et une (sublime) courtisane, entamée par un prime contact d'une sensualité renversante et transcendée par le savoir-faire de Wong Kar-Wai et de son habituel directeur photo Christopher Doyle, ce sketch justifie à lui seul la vision du film. L'éditeur du DVD ne s'y est pas trompé : l'unique intervenant est le réalisateur hong-kongais (via une interview d'une dizaine de minutes)…ErosDe Michelangelo Antonioni, Steven Soderbergh et Wong Kar-Wai (Ita/Fr/EU/Lux/HK, 1h46) avec Christopher Buchholz, Regina Nemni… disponible en DVD (Aventi) ; “Ce bowling sur le Tibre”, disponible en librairie (Images Modernes)


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Obscurs objets du désir