Imaginaire salvateur


Musique / Dans Tendres Ténèbres, le jazz n'est pas là où on l'attend. Si cette proposition alliant le texte de Nancy Huston (Instruments des ténèbres), la musique baroque de Marc-Antoine Charpentier (Les leçons de ténèbres) et les interventions sporadiques de Michel Godard au Serpent (ancêtre du tuba) s'inscrit dans le Festival de Jazz de Grenoble, l'aspect free jazz emprunt de liberté provient d'abord de l'écriture et du contenu du récit de Huston. Car deux univers s'y chevauchent : celui de l'imaginaire nécessaire pour soigner l'autre l'univers, le réel. Dans une réalité contemporaine, une Nadia écrivaine se renommant Nada (rien) n'en finit pas de s'interroger sur ce frère jumeau disparu, de régler ses comptes avec une mère peu aimante et pleure à tout jamais ce Tom-pouce jamais né, avorté. Dans le récit imaginaire, l'écrivaine projette Barbe et Barnabé, frère et sœur jumeaux, orphelins nés au 16e siècle, dans une vie excessivement pénible. Cette création permet à l'écrivaine en lutte avec une conscience maléfique (qui la freine) symbolisée sur scène par une voix off à dessein caricaturale, de se détacher de ses obsessions handicapantes et de dépasser les ténèbres, de rompre avec l'attirance pour les gouffres. Nancy Huston, de sa voix chuchotée puis enjouée, virevoltante ou très émue, incarne ce texte aux passages vibrants (scène de l'accouchement) avec un engagement total. Sa voix fluette, quelques fois magnifiquement dominée par celles chantées de Guillemette Laurens et de Claire Delgado Boge, renforce l'émotion des mots. La partition de Charpentier, évoquant des suppliques sacrées et interprétée par l'alerte Atelier des Musiciens du Louvre de Mirella Giardelli, accentue l'ampleur du texte, deux mondes communiquent là aussi, et se renforcent l'un l'autre. SDTendres Ténèbresle 28 mars à 20h30, à l'Auditorium de la MC2


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