L'électrocution bienvenue


Prod' / Faisant fi des sempiternels samples violon-piano qui asphixient un milieu rap fatigué et radotant, une toute nouvelle génération de producteurs musicaux Hip Hop s'est récemment levé en bouclier contre la sclérose générale, pour faire éclater au grand jour des compositions où les courants électroniques, rock et pop se mêlent élégamment. Poussant les expérimentations jusqu'à douter que leurs instrumentations soient “rappables”, ils ont trouvé chez leurs équivalents rappeurs des artistes près à relever le défi. James Delleck et Deufré Le Jouage, par exemple, auteurs de l'album concept Gravité Zéro, allient les potentiels de MCs et producteurs, contrôlant ainsi à la perfection une œuvre intéressante et novatrice. Delleck, originaire de Vitry, apparaît en premier sur la Mixtape L'Antre De La Folie en compagnie de Deufré Le Jouage et vient récemment de signer un fascinant Accouphène, EP dont l'électro poétique s'inscrit dans un univers très personnel. Le Jouage (aka Méga for), après le succès de l'album Sonophrologie de son groupe Hustla, a quant à lui recentré son travail sur la production, et continue de développer son concassage industriel à base de gros beats bien lourds et de compos sombres, rugueuses et changeantes, en un mot, chaotiques mais maîtrisées. Impossible de ne pas citer aussi Para One, qui a œuvré sur les opus de L'Atelier, L'Armée des 12 et les deux TTC (dont le sublime titre Pas D'Armure). Il est à lui seul l'exemple ultime d'une absorption totale, cérébrale et sensée des courants de la musique moderne. Ses productions profitent aussi à des structures comme Tsunami Addiction, N Records et Quality Streetz. Le groupe La Caution doit en grande partie le succès de son album Asphalte Hurlante aux talents du producteur Nikkfurie, 25 ans, qui y impose une relecture Hip Hop où se heurtent rock psyché, pop lancinante et électro sauvage. Comme quoi, même dans le 93, il est question de restructurer le rap moribond... Autre bel exemple de producteur ingénieux et visionnaire, Tacteel, qui a commencé dans le collectif ATK (où il rencontre le rappeur Cyanure qui l'a ensuite suivi), fonde en 98 le label Institubes avec Tekilatex et offre ainsi une fenêtre bien utile à des productions dont le droit de citer n'était pas évident auparavant. Son EP Butter For The Fat en est une splendide démonstration, et son respect profond pour l'électro de Doctor L (qui lui-même vient à l'origine du groupe Assassin), montre que le Hip Hop old school nourrit aujourd'hui indirectement ce fameux renouveau Hip Hop que la France connaît. Comme disait MC Lavoisier, «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme...».Ben Dussy


<< article précédent
Renouveau hip-hop