Ordures langagières

exposition / Le LIA consacre une première exposition française à Johnston Foster, artiste américain de 29 ans qui avec des matériaux de récupération, élabore des sculptures à l'évidente portée politique, critiques à l'égard de son pays et fortes d'un juste engagement. SD


Johnston Foster pratiquait la photographie avant les attentats du 11 septembre 2001. Après cet événement - qui pour lui (à juste titre) devait fatalement se produire - sa démarche artistique se modifia. Il arpente alors les rues, déchetteries, poubelles et collecte les matériaux laissés, détritus, objets abandonnés, symboles d'une surconsommation irresponsable. Matériaux avec lesquels il fabrique des sculptures et mise en scènes explicites, métaphores de nos sociétés malades. Aux premiers abords, ses pièces (quatre présentées à Grenoble) d'une facture cheap, semblent tout droit sorties d'un univers naïf, coloré et comique où l'enfance est très présente. Comme cette corne d'abondance, imagerie ancienne, aux couleurs chatoyantes. Mais quand on y regarde de plus près, celle-ci vomit des détritus réalisés avec des matériaux jetés, que Foster a recyclé, retravaillé (les frites, boîtes, pelures d'orange, emballages sont réalisés dans des matériaux simples récupérés), et cette corne se regarde alors comme une poubelle renversée. Avec ce qui est considéré par nos sociétés comme “jetable”, ce qui est inutilisable, le “rien”, Foster fait un “tout” puissant et doublement ironique. Ici le gaspillage, la mal bouffe, la surconsommation sont critiqués. Sociétés dévoreuses À côté, une mise en scène d'un feu de camp - le jeune Foster a puisé dans ses souvenirs de boys scouts pour réaliser cette sculpture. Au centre, sur une broche qui tourne paisiblement, grille une jambe humaine, alors qu'autour, crânes, os humains jonchent et entourent le foyer. Le tout toujours réalisé en matériaux simples, cartons, papiers, dans des couleurs vives. “Quand on aura tout bouffé, tout consommé restera plus qu'à se bouffer entre nous pour survivre”, semble nous dire Foster, qui présente au fond, un état sauvage et barbare du monde à l'heure du soi disant progrés humain. Ce dernier, jamais représenté dans ses pièces, semble réduit à une lutte perpétuelle pour sa survie. Autre figure frappante, ce centaure, mi-ranger américain, mi-figure indienne, relève du totem en peluche, qui fait du ranger une sorte de Dieu ridicule. Enfin, Celebrate the Dark New age, une sculpture réalisée avec des chambres à air de vélo et du caoutchouc, représente une meute de sangliers fuyants l'attaque d'aigles hurlants, immenses. L'image est forte. Et l'on sent un mouvement incroyable. Les rapaces dominants, symbolisent les États-Unis. Ils viennent perturber l'équilibre, la distribution du groupe, décident de leurs proies, comme il déciderait de la bonne conduite du monde.Celebrate the Dark New Age de Johnston Foster jusqu'au 6 janvier au LIA, dans le Cadre du Mois Américain


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