Le déclin de l'empire


Cléopâtre / Fin des années 50. La Twentieth Century Fox bat sérieusement de l'aile. Les exécutifs du studio décident de mettre en branle LA superproduction qui détournera le public Américain d'une télévision alors en plein boom. Le producteur du projet Cléopâtre, Walter Wanger, veut coûte que coûte engager Elizabeth Taylor dans le rôle-titre, mais cette dernière s'avère peu amène envers la proposition, et demande un salaire d'un million de dollars pour le décourager. Wanger accepte, et la star signe un contrat en béton armé : au gré des retards de production, elle gagnera au final plus de 7 millions… Qu'importe : le film sera faste, comme peuvent en attester les gigantesques décors construits (dans un premier temps) à Londres. Le climat de la capitale anglaise sied peu à la santé fragile de la star féminine, qui ne pourra pas tourner pendant six mois. Le réalisateur, Ruben Mamoulian, se trouve vite à court de scènes à filmer. Excédé, il posera un ultimatum à la Fox : Taylor ou lui. Le studio choisit la star, qui sollicite de plus un déménagement de la production à Rome et recommande Joseph Mankiewicz à la mise en scène. Face à l'offre financière colossale qui lui est proposée, le réalisateur accepte à contrecœur, sans mesurer encore l'ampleur des dégâts. Il débarque à Cinecitta et déchante rapidement : au-delà de la marée humaine de techniciens et figurants à gérer, il doit totalement réécrire un script jugé inepte, mettre en confiance le nouveau casting, endiguer la corruption énorme générée par un budget titanesque, comme le train de vie dispendieux de toute l'équipe (les acteurs en particulier). Il devra composer avec des grèves, des coupes budgétaires absurdes, un directeur photo qui fit reculer le tournage de la scène clé du film de plusieurs mois pour avoir la lumière parfaite, et avec la liaison polémique entre Elizabeth Taylor et Richard Burton. Pendant ce temps, le fondateur de la Fox Darryl F. Zanuck décide de reprendre les commandes du navire à la dérive. Il suspend toutes les autres productions en chantier, réduit le personnel au minimum. Le seul service ouvert à la Fox, en dehors de l'administration, est la salle de montage de Cléopâtre. Mankiewicz en ressort avec une copie de 6h, à scinder en deux parties. Mais Zanuck, après lui avoir ordonné de retourner des scènes de bataille jugées peu convaincantes, ramène la durée du film à 3h. Au finish, le film aura coûté 44 millions de dollars (300 millions d'aujourd'hui), et la moitié restera sur le sol de la table de montage. Le film aura ouvert les portes de la démesure hollywoodienne, aura institué les règles du star-system tel qu'on le connaît aujourd'hui, dans tout ce qu'il a de plus putassier : salaires astronomiques, caprices incessants, complaisance suspecte de la production… Une page est tournée. FCCléopâtrede Joseph Mankiewicz (1963, EU, 3h12) avec Elizabeth Taylor, Richard Burton…DVD collector disponible chez Fox Pathé Europa


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