Nouvelle donne

de Joachim Trier (Norvège, 1h43) avec Anders Danielsen Lie, Espen Klouman Hoiner…


Un film d'auteur norvégien sur la littérature et l'amitié, réalisé par un ancien champion de skate, a priori, ça inspire moyennement confiance. Nouvelle donne est bien la preuve que les préjugés, tout absurdes soient-ils, sont mauvais conseillers. Ce récit à multiples entrées de la rivalité artistique entre Philipp et Erik, deux camarades voués à sortir précipitamment de l'adolescence par leurs ambitions littéraires, surprend en effet à plusieurs titres. Dès sa jouissive scène d'introduction, Joachim Trier prend le judicieux parti de truffer sa narration de multiples chausse-trappes, juxtaposant avec un talent évident une réalité fantasmée et son pendant plus “réaliste“, avec une ironie qui sait se faire cruelle quand il le faut avec ses protagonistes. Nouvelle donne (soulignons une énième fois l'impénétrabilité des voies de la distribution hexagonale, et la décision de changer le titre original, Reprise, pourtant en français…), bien que pétri de références à la culture norvégienne et à la Nouvelle Vague, ne demeure pas pour autant un objet imperméable, bien au contraire. Joachim Trier réussit le pari insensé de réaliser un premier film tout à la fois générationnel et réflexif, mélancolique et intègre. Le film reste honnête avec ses personnages, les expose dans l'intimité de leurs failles les plus inavouables sans porter de jugement, nous glace au détour d'une scène avant de nous arracher un rire salvateur (la scène avec l'éditeur est à ce titre un grand moment). Le tout est enrobé d'une mise en scène enlevée, flirtant en permanence avec le clinquant arty mais sans jamais succomber à ses sirènes putassières. Une découverte cinématographique comme on aimerait en avoir toutes les semaines… François Cau


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Nature (pas) morte