Choron, dernière

Cinéma / De Pierre Carles et Martin (Fr, 1h38) documentaire


En bon documentariste kamikaze, Pierre Carles n'aime rien tant que jouer le poil-à-gratter médiatique, abordant des sujets à même de faire bondir les éditorialistes de tout bord (les collusions entre journalistes et politiciens, le refus du marché du travail, l'importance du travail de Pierre Bourdieu…), à l'aide de méthodes susceptibles de faire sortir le toujours très intègre Jean-Michel Apathie de ses gonds. Ici, il s'empare donc avec son compère cinématographique Martin de la figure subversive du farouchement décrié Professeur Choron, l'un des fondateurs matriciels d'Hara-Kiri puis de Charlie Hebdo, en une tentative de rendre à César ce qui lui appartient – les nouveaux tauliers de Charlie, Philippe Val (à mille lieux de la sacralisation offerte par Daniel Leconte dans C'est dur d'être aimé par des cons) en tête, réfutant avec une suspecte véhémence l'héritage pourtant évident du Professeur. Le récit de cette cuistrerie opportuniste, prétexte à Carles pour régler quelques comptes personnels avec le sieur Val, n'est cependant qu'un aspect finalement anodin d'un film foutraque, agrégat d'interviews posées ou prises sur le vif, de sketchs rentre-dedans, d'images sans concessions (tournées par Choron lui-même !) sur le caractère souvent pathétique du personnage. Pierre Carles s'efface comme rarement derrière son sujet, dessine sa propre histoire de la provocation made in France que Choron aura violemment décomplexée, ouvrant la voie à toute une génération de satiristes. Si l'on peut se lasser du côté fouillis du métrage, de son manque d'envergure cinématographique assumé, on ne peut qu'être surpris, en revanche, par l'empathie sincère et assez bouleversante de son auteur pour celui qui fut jusqu'au bout un laissé-pour-compte.
François Cau


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