Du bout des doigts


Text to speech, du nom d'un logiciel informatique convertissant l'écrit en paroles. Text to speech aussi, du nom de la dernière chorégraphie du Suisse Gilles Jobin, qui s'intéresse aux flux d'information abondants, sources potentielles de manipulation : jour après jour, les faits se juxtaposent, s'entremêlent, sans véritable hiérarchie. Et les guerres qu'on nous dépeint entre deux autres évènements semblent loin, très loin de nous. Mais Gilles Jobin inverse tout ça : le temps d'un spectacle, il transpose le conflit irakien en Suisse, Berne devenant capitale assiégée, l'armée suisse armée de résistance face à “l'envahisseur américain”. Sur scène, dans un décor très design, six hommes et femmes plantés devant leurs ordinateurs reçoivent des dépêches d'agences évoquant l'opération “foudre contre le Léman”, ou les armes de destruction massive que détiendraient les Helvètes. Des dépêches informelles, lues par un logiciel qui se fait le transmetteur et l'importateur de désordre. En instaurant une proximité géographique tant fictive (la guerre en Suisse) que réelle (le chaos envahit peu à peu le plateau), Jobin essaie de nous interpeller. La danse se fait donc lente, nourrie de chocs et de chutes, les interprètes (dont Jobin lui-même) restant dans la retenue. Intriguant par biens des aspects – notamment tout le travail autour du verbe –, Text to speech nous laisse cependant sur notre faim : Jobin effleure plus son sujet qu'il ne l'embrasse véritablement, le chorégraphe semblant hésiter entre suggestion et démonstration. Et c'est bien dommage, car avec un matériau pareil, on aurait pu recevoir une bonne grosse claque en pleine face plutôt qu'une petite tape du bout des doigts. AMTEXT TO SPEECH
Jusqu'au vendredi 3 avril, à la Salle de Création de la MC2


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