Grenoble s'expose

Couleur Sépia et L'Aristocrate et la chambre noire : joli couple d'expositions fort complémentaires sur les débuts de la photographie, respectivement présentées au Musée de l'Ancien Evêché et au Musée Hébert. Un voyage plaisant dans le Grenoble du XIXème siècle. Laetitia Giry


D'aucuns pourraient nous reprocher le manque de glamour de notre une… à ceux-là nous rétorquerions que le sépia n'est pas nécessairement synonyme de désuet. Que les expositions de photos primitives peuvent rimer avec curiosité et modernité. Que beaucoup seraient étonnés de constater à quel point on se laisse prendre au jeu des découvertes proposées par ces parcours, confectionnés avec patience et bon sens. Grenoblois : votre chauvinisme va trouver là justifications rationnelles et votre fierté s'enticher d'une prétention exécrable... on assume ! Sépia glamour
Grenoble sous les eaux… et un témoignage en image de cette dernière inondation. Le document est touchant et plutôt joli. La pause longue autrefois nécessaire à la prise de vue, donne un aspect tout à fait particulier à l'eau qui, en plus d'avoir envahi les quais, nous nargue d'un brillant velouté quasi surnaturel. Exposée dans une vitrine à l'abri des potentielles agressions extérieures, la petite photographie est accompagnée d'illustrations parues dans un journal de l'époque. Dessins de personnes courant se réfugier, eau représentée par une houle menaçante… la confrontation avec notre façon d'aborder l'actualité aujourd'hui est saisissante ! Si les documents exposés au Musée de l'Ancien Evêché à l'occasion de l'exposition Couleur Sépia ne sont pas tous aussi attrayants, il faut reconnaître que les très nombreuses photographies des premiers photographes prises en Isère ne manquent pas d'intérêt. Le jardin de ville sous la neige, la place Saint-André noire de suie, les berges encore non aménagées, le cours Jean Jaurès en atelier de cordelier, sauvage… Les tirages qui nous sont présentés, tous originaux, constituent un patrimoine extrêmement riche qu'il est curieux de pouvoir explorer avec tant de facilités. Ce voyage dans le temps nous présente les premiers photographes comme des chimistes ou artistes peintres aisés, dévoués à l'expansion de la technique photographique et au pittoresque des paysages isérois. A ne pas dénigrer, d'autant que le parcours est ponctué de périscopes proposant des ballades en images 3D : quel charme !Bien à vous
Du bleu ciel au vert d'eau, les murs de la grande galerie du Musée Hébert se parent pour chaque exposition de nouveaux atours. On était impatients de découvrir la couleur qui serait associée aux tonalités sépia des photos anciennes du Marquis de Bérenger… Jaune poussin ! Audace et bon goût restent ainsi les qualificatifs les plus adéquats aux choix esthétiques de Madame Nesme, la directrice. Un jaune éclatant, écrin flamboyant qui souligne la préciosité et la classe des photographies exposées. Salutaire aussi, pour renvoyer la lumière des spots – la seule autorisée pour ne pas abîmer les photos – dans cette galerie transformée en une chambre noire, tous volets fermés et néons camouflés. Notre fâcheuse tendance à la franchise peu diplomate nous force à vous prévenir qu'en comparaison avec l'exposition Couleur sépia, L'Aristocrate et la chambre noire requiert un œil averti. Le côté ludique en moins, l'exigence en plus. Car l'apparition de la photographie, d'abord une révolution technologique, a aussi été une révolution artistique. Les photographies du Marquis amateur, plus que simplement documentaires et folkloriques, témoignent de recherches plastiques intéressantes. Deux photos du château de Noisiel apportent la preuve que l'apprenti photographe retouchait ses tirages à la main, grâce à différents négatifs. L'on remarque sur l'une que les nuages ont été foncés – accentuant l'intensité dramatique de la prise de vue, - la manipulation ayant laissé des traces sous forme d'ombres inopportunes à la cime des arbres et sur le toit du château. Cela peut nous paraitre étonnant, mais l'art de la photographie n'a manifestement pas attendu les nouvelles technologies pour s'accoquiner avec des outils à même de jouer avec les apparences... L'Aristocrate et la chambre noire
Jusqu'au 31 janvier 2010, au Musée HébertCouleur sépia, l'Isère et ses premiers photographes (1840-1880)Jusqu'au 22 mars 2010, au Musée de l'Ancien Evêché


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