L'affaire Clearstream racontée à un ouvrier de chez Daewoo

A l'initiative de l'association Survie Isère, on pourra ce jeudi rattraper le deuxième film du journaliste Denis Robert consacré à la fameuse chambre de compensation luxembourgeoise. François Cau


Les rivalités politiciennes déplorables ont eu raison des répercussions d'un des plus gros scandales qu'ait pu connaître la finance internationale, dans toute sa démesure contemporaine. Derrière les histoires de falsifications probables de listings pour mouiller untel ou untel, il y a quand même l'enquête d'un journaliste freelance, l'infortuné Denis Robert, visant à démontrer les modes de fonctionnement pour le moins équivoques de la compagnie luxembourgeoise Clearstream : via des méthodes qu'on qualifiera gentiment d'opaques, cette chambre de compensation fut à même de faire transiter des fonds colossaux (on parle ici en trillions d'euros), facilitant des opérations de blanchiment d'argent pour des clients pas franchement fréquentables, ou gérant des comptes occultes dans des paradis fiscaux pour un nombre hallucinant de sociétés internationales on ne peut plus respectées… Denis Robert sort un livre (Révélation$) et un premier documentaire (Les Dissimulateurs), qui secouent mollement les places financières. Mollement, car la justice luxembourgeoise n'est pas vraiment prompte à remettre en cause le système économique national, et que d'autre part les médias français préfèrent signer un curieux désaveu de leur collègue. Parmi les plus virulents, on retrouve d'ailleurs Philippe Val, alors boss de Charlie Hebdo – ses leçons de journalisme prendront une autre saveur quand on s'apercevra que Richard Malka, l'avocat de Charlie dans l'affaire des caricatures, est aussi celui qui défendra Clearstream contre les allégations de Denis Robert…C'est arrivé près de chez vous
Au moment de réaliser ce deuxième documentaire sur la firme luxembourgeoise, le journaliste n'est pas encore harcelé juridiquement par cette dernière (à ce jour, elle aurait déposé près de 200 plaintes en diffamation contre lui), et n'a encore qu'une faible idée de la montagne qui lui reste à gravir pour que ses découvertes aient un réel impact. Il fait donc un pont entre les manœuvres de ce haut lieu de la finance internationale et la fermeture d'une usine Daewoo en Lorraine – la compagnie coréenne possède plusieurs comptes offshore gérés par Clearstream, témoignant de sa bonne santé économique. Via un rappel des conclusions de son enquête et de leur absence de conséquences, Denis Robert s'emploie ainsi, avec un ton cinglant mais tout de même bien éloigné de l'image « d'exalté » dans laquelle on a voulu l'enfermer, à démontrer le degré d'irresponsabilité des tenants de l'économie mondiale. « Etrange » concordance des temps, alors que le journaliste finit son film, le scandale Enron éclate au grand jour… L'affaire Clearstream racontée à un ouvrier de chez DaewooDe Denis Robert et Pascal Lorent (Fr, 1h) documentaire
Jeudi 3 décembre à 20h, à la librairie Antigone


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