Fragments du Tout


Le postulat de départ est fort simple : demander à 24 artistes de délivrer une œuvre qui contiendrait « tout » ce qui fait leur identité artistique. L'idée s'avère utopiste car, comme le dit Roland Barthes, « Tout ne pourrait s'inventorier sans se diminuer ». Sont mis en présence des objets totalement étrangers les uns aux autres, dans une disposition, si ce n'est anarchique, au moins délibérément indifférente. Car la cohérence du propos n'appartient à aucune scénographie, mais bien au rayonnement de l'oeuvre pour elle-même, dans son être le plus étroit. Et le tout fonctionne, dans un parcours (numéroté) étonnant : peintures, photos, projections vidéo et sculptures cohabitent pacifiquement. Quand certains seront séduits par le squelette de poisson trônant en apesanteur (oui, vraiment), narguant la vraisemblance visuelle de tout son long, d'autres apprécieront le « Rehausseur de regard », carré de béton injecté de colle dont le caractère hypnotique n'a d'égal que la trivialité de ses matériaux et de sa fabrication. Nos faveurs vont à l'imposant miroir circulaire, tournant sur lui-même avec une étourdissante régularité, offrant sa complétude sans réserve, tout en ingérant le « tout » des autres : leurs reflets. Du douillet canapé de la bibliothèque du OUI, où patientent quelques suggestions des artistes, l'on peut découvrir la dernière œuvre avec bonheur : « Apocalypse Maintenant », clin d'œil appuyé au film de Coppola dans le titre et pastiche de la célèbre (à raison) première scène dans les faits. Les hélices du ventilateur sont remplacées par un fil de fer tremblotant, fendant l'air fébrilement, mais produisant tout de même ce petit sifflement caractéristique. On aime.
LGTout
Jusqu'au 21 mars, au OUI


<< article précédent
Voyage, voyage