Effacement


Théâtre / Tout débute par l'annonce d'un départ. Celui de l'héroïne, Thérèse, qui délaisse son existence toute tracée de femme trompée, de fille bafouée, de garante d'une soi-disant stabilité sociale pour quitter le Cap en bus. Et ne jamais revenir. Le texte original de Lyonel Trouillot nous embarque alors dans l'histoire de cette femme ravagée par les pressions émanant de toute part, lui refusant le droit à une identité dont elle ne peut empêcher le jaillissement. La mise en scène de Pascale Henry, au diapason de cette féconde matière textuelle, se joue des chassés-croisés temporels, fait s'élever la voix endolorie de cette femme comme celles de ses doubles. Consciente des multiples degrés de lecture de l'intrigue, sans cependant se laisser écraser par leur poids, elle a composé une scénographie ample, un décor piégé d'où peuvent surgir les multiples rémanences du passé de son héroïne, tour à tour symbole de l'oppression féminine, de l'exploitation d'un pays (Haïti) qui n'a pas attendu les sinistres coups du sort naturels pour souffrir de toute sa chair, et enfin femme morcelée, individu à part entière tentant de se reconstruire à partir des fragments douloureux de son vécu. D'une violence sourde, Thérèse en mille morceaux passe le cap de la transposition scénique sans tour de force ostentatoire, mais avec une sobriété servant efficacement la portée du propos. Un spectacle dont la colère se distille tel un venin, refusant le coup d'éclat pour mieux frapper son public là où ça fait mal. En plein cœur.
FCThérèse en mille morceaux
Du 17 au 19 mars, à l'Heure Bleue (St-Martin-d'Hères)
Mardi 23 mars, au Grand Angle (Voiron)


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