World à part


Musique / On pourrait vous présenter Rokia Traoré en fonçant tête baissée dans les clichés incunables. Mettre en avant son héritage culturel, comme il est de bon ton de le faire. Insister sur sa réappropriation des sonorités mandingues dans des spectres musicaux incluant les esthétiques jazz, pop, hip hop, évoquer l'importance des nombreux voyages effectués dans sa jeunesse pour expliquer sa curiosité comme son éclectisme. Vous faire partager notre enthousiasme pour son quatrième album, Tchamantché, où la sublime demoiselle pousse encore plus loin ses saisissantes capacités vocales, titillant maintes émotions dans un même couplet, confirmant son statut d'interprète incandescente jusque dans ses deux morceaux chantés en français (une première), le sautillant Zen et le troublant Aimer, dont toute personne normalement constituée rêverait que les paroles lui soient directement adressées. On pourrait vous asséner toute cette somme d'arguments, on vient d'ailleurs de le faire, mais on resterait en deçà de la plus criante des vérités concernant le pouvoir de fascination que peut exercer Rokia Traoré : sa présence scénique. L'artiste se joue de sa silhouette longiligne pour habiter ses mélodies, leur insuffler un rythme proprement vertigineux, sans oublier d'hypnotiser son auditoire de sa voix à la beauté renversante. Rieuse, puissante, d'une gravité pouvant mystifier toute une assistance de bobos découvrant enfin la sincérité artistique, la musique de Rokia Traoré, pour en finir avec les clichés, se vit plus qu'elle ne s'écoute. Elle vous prend aux tripes, vous renverse, vous émeut, vous donne même l'impression de comprendre le bambara. On vous invite solennellement, si ce n'est déjà fait, à découvrir cette magnifique interprète sur la scène du Grand Angle.
FCRokia Traoré
Jeudi 18 mars à 20h30, au Grand Angle (Voiron)


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Le Printemps des poètes