Vers l'infini


Quand certaines œuvres frappent par l'évidence de leur fougue, de leur audace, de leur beauté inédite, d'autres agissent d'une manière plus insaisissable, dans une étonnante alchimie que la raison peine à décrire. Les peintures de Fabiano sont à classer parmi la seconde catégorie : froides et bougrement calculées, découpées on ne peut plus classiquement, elles se frayent pourtant un chemin fort confortable vers la partie la plus abstraite de notre cerveau, orientant notre esprit vers une sorte de sérénité – néant de la réflexion. Sans peur de la répétition, l'artiste construit nombre de ses toiles à partir de l'invariant « absence » : un objet au centre de la toile (canapé, chaise…) vient revendiquer une possible présence par la grâce de sa fonction, tout en soulignant sa propre suprématie. Toile après toile, ce qui pourrait s'apparenter à une campagne de pub pour Ikea se révèle œuvre dans l'arrogante beauté d'une palette de couleurs à la profondeur saisissante – les bleus fleurent bon l'infini lacté – et dans une énergie contenue, délivrée par touches, qui finit par créer un vrai sentiment d'intrusion dans un univers onirique troublant de simplicité. Le motif récurrent de l'horizon se déploie sans gêne, dans un aplat de peinture lisse, sans vague, qui contraste avec la matière figurant la terre ferme. Sans souci de mode ni de grande originalité, le peintre se pose en figure d'obstiné, déclinant sa ligne et son feu de couleurs dans un corset soutenant la potentialité du corps, fantôme flamboyant dont seules les traces persistent.
LGNelson Fabiano
Jusqu'au 7 mai, à la galerie Vent des Cimes


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