Expression libre
publié dans Scènes par François Cau le Vendredi 14 mai 2010
DANSE / Une jeune compagnie à l'univers accrocheur (le collectif CdansC) et un chorégraphe respecté et loué (Daniel Dobbels) : à découvrir cette semaine, des artistes très différents qui, chacun à leur manière, s'interrogent sur la notion même de danse contemporaine. Aurélien Martinez
Une immense machine au milieu du plateau. Sur une sorte de plateforme reposent divers instruments de musique et appareils électroniques. Les deux jeunes danseurs Chloé Hernandez et Orin Camus, formés au Centre national de danse contemporaine d'Angers, s'en servent comme d'un prétexte à leur rencontre, puisque cet engin « se nourrit de rythmes, d'émotions, d'images et d'énergies ». Et donne ainsi le tempo de leur couple. List'ic, proposition mêlant danse, musique et vidéo, devient alors un spectacle plastique hypnotique, offrant de véritables moments suspendus lors des différents tableaux, notamment dus à une création musicale et sonore envoûtante. La chorégraphie se fait élancée, loin des roulés-boulés-jetés au sol concentrés de certaines compagnies contemporaines plombantes coincées dans leur vision étriquée de ce que serait censée être, selon eux, la danse d'aujourd'hui (voilà pour notre coup de gueule !). Une proposition à découvrir dans le cadre des Alertes au Pacifique, du nom du Centre de développement chorégraphique de Grenoble qui soutient le jeune collectif CdansC depuis un petit bout de temps.
Pourquoi ?« Danser de peur que la peur n'envahisse l'espace. » Tel est le point de départ du chorégraphe (et aussi critique, philosophe, auteur…) Daniel Dobbels, cette semaine à la MC2 avec son Danser, de peur… Il retravaille ainsi avec le compositeur contemporain Gérard Pesson, à partir du tableau de Paul Klee Danses sous l'emprise de la peur. « À quelle condition danser (composer, écrire, peindre…) quand le moindre des énoncés politiques humilie par sa vulgarité, sa brutalité, son schématisme ou son cynisme avéré ? » (extrait de la note d'intention). Interrogations contemporaines pour création tout sauf démonstrative. Plutôt hors du temps, comme en apesanteur. Dobbels, figure discrète mais incontournable du monde de la danse depuis maintenant une trentaine d'années, livre ici une chorégraphie tout en retenue, voguant du côté d'une certaine fragilité. La fragilité de l'expression artistique, menacée ici et là, mais néanmoins nécessaire. « Comment ne pas tenter de nouveau de dégager de sa gaine ce corps d'impasse qu'inventent sans relâche l'économie et la politique contemporaines ? » On peut ainsi librement compléter le titre choisi par Dobbels pour ce spectacle ardu dont l'hermétisme demande à être brisé par le spectateur lui-même – la notion de ressenti personnel étant primordiale ici. Pas sûr que tout le monde ait la force d'y parvenir.List'ic
Mercredi 26 mai à 20h, au PacifiqueDanser, de peur…
Mercredi 19 et jeudi 20 à 19h30, à la MC2
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