Les mots ardents

Quand ils ne montent pas sur scène, ils jouent les maîtres de cérémonie des slams sessions à la Bobine. Avant une nouvelle scène ouverte jeudi, rencontre avec Katia Bouchoueva, alias « Boutchou » et Bastien Maupomé aka « Mots Paumés ». Quentin Pourbaix


Il y a des effets de masse auxquels on n'échappe que difficilement. Tandis que Mots Paumés captait toutes les attentions, sa petite sœur poétique, la bien nommée « Boutchou », restait dans un clair-obscur sur lequel il est grand temps de porter le regard. Avec son mètre soixante-cinq, ses cheveux courts et sombres qui tombent en dégradé sur son visage, Boutchou accueille le nouvel arrivant d'un sourire désarmant qu'appuie un regard où se mêlent détermination, fatigue et curiosité. Un sourire qui semble dire tout à la fois « bienvenue », « désolé on en a encore pour 5 minutes de réunion » et « allons bon, qu'est-ce qu'il nous réserve celui-là? ». On débarque donc à la fin d'un entretien qu'elle a avec son complice en élucubrations verbales, Bastien Maupomé, et leur interlocutrice de la Bobine. Pour l'heure, trêve de licence poétique, on évoque les projets et enjeux des mois à venir: que fait-on pour les scènes ouverte, prix libres ou pas? Des concerts, oui, mais avec quels invités ? On pensait venir à la rencontre de deux jeunes artistes, et on découvre l'autre versant, celui de l'« auto-management » qu'il faut bien prendre en main quand on est intermittent. Une fois les dates calées, « on en reparle, ou plutôt je t'envoie un mail », on se retrouve à trois. D'un côté Mots Paumés en interlocuteur prévenant, « Tu veux un café? Tu prends un croque-monsieur ? », et en vis-à-vis, Boutchou qui, entre deux échanges téléphoniques tend une oreille alerte sur la conversation. Parcours de slam
L'émergence du Slam en 1984 dans un milieu d'ouvriers noirs de Chicago qui veulent trouver un espace où s'exprimer, la filiation revendiquée à Cassady et aux écrivains de la Beat-Generation, Bastien est incollable et passionné par sa discipline. Côté écriture, il reconnaît que ses textes lui viennent surtout du jeu sur les sonorités, et peuvent donc d'une certaine manière être assez désincarnés. «Je suis hyper cérébral, le son des mots a pour moi autant d'importance que le sens. J'écris n'importe où, n'importe quand, si quelque chose me vient. Quand j'ai le temps, je relis et j'écris à voix haute. » Pour Boutchou, l'inspiration est ailleurs. La franco-russe croit en l'inspiration, à l'inverse de son camarade de jeux de mots. « Ce sont des phrases et du ressenti. J'ai une écriture onirique, métaphorique. Mais pas seulement. ». On sent chez elle une volonté forte de ne pas être catégorisée, et une sensibilité à fleur de peau qui transparaît dans des textes viscéraux. «Le slam est une rivière qui a plusieurs sources: le conte, la chanson... Moi je viens plutôt de la poésie. J'ai fait cinq ans de théâtre semi-pro à Moscou. J'ai une culture de poésie littéraire. J'en viens et j'y reste. » Pour autant la « diseuse de texte » ne fait pas d'exclusive: « la sensibilité n'est pas la même pour tous ». D'où l'intérêt des scènes ouvertes proposées par les deux parleurs et leur acolyte, Kifftout, lors desquelles, en MC dévoués, ils « essaye[nt] de faire se croiser les publics » et les participants, pour que toutes les « réceptivités » soient servies.
Quentin PourbaixProchaine scène ouverte slam à la Bobine: jeudi 22 juillet à 20h30


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