Contre l'oubli


Triste mise en abyme, l'exposition d'Étienne Boulanger s'avère être l'occasion de montrer partiellement et de manière posthume l'inventaire qu'il a entrepris pour garder la mémoire des lieux urbains laissés pour compte. Anfractuosités, terrains vagues et autres immeubles voués à la destruction sont soumis à son objectif ou à sa caméra dans une fougue obsessionnelle confinant au fétichisme. Nous est dévoilé ici le cheminement du jeune artiste à travers plusieurs métropoles : Berlin, Pékin et Tokyo. Ce qui est donné à voir au visiteur n'est ainsi pas le fruit d'une recherche esthétique, n'a rien à voir avec un bel objet, mais se suffit plutôt de la traduction par le visuel d'une quête très pragmatique. Témoignages d'un souffle d'action, d'une performance répétée inlassablement, à l'abri des regards, de l'artiste seul face aux vides qu'il anime pour un temps. Dans le cas de Berlin : par la construction d'abris de fortunes, le squat même de ces endroits, la prise d'images et le dessin d'une carte de la ville les indiquant. Dans le cas de Pékin : par le recensement des maisons expulsées et murées au moment des Jeux Olympiques. L'artiste dévoile son entreprise d'appropriation de la ville comme terrain potentiellement surprenant, et tisse un langage propre à son interaction avec les espaces soumis à son geste. En zooms successifs et décalés, il déploie en vision entière ce qui n'est au quotidien que le mode mineur de nos cités. Cela ressemble bien à une forme de fascination pour, hypothèse basse, l'envers, ou, hypothèse haute, la ruine, motif dont l'esthétique intrinsèque et le poids historique parle de lui-même. Laetitia GiryEtienne Boulanger 2001/2008
Jusqu'au 19 juin au Centre d'Art Bastille


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