Contre l'oubli
publié dans Expos par François Cau le Vendredi 15 avril 2011
Triste mise en abyme, l'exposition d'Étienne Boulanger s'avère être l'occasion de montrer partiellement et de manière posthume l'inventaire qu'il a entrepris pour garder la mémoire des lieux urbains laissés pour compte. Anfractuosités, terrains vagues et autres immeubles voués à la destruction sont soumis à son objectif ou à sa caméra dans une fougue obsessionnelle confinant au fétichisme. Nous est dévoilé ici le cheminement du jeune artiste à travers plusieurs métropoles : Berlin, Pékin et Tokyo. Ce qui est donné à voir au visiteur n'est ainsi pas le fruit d'une recherche esthétique, n'a rien à voir avec un bel objet, mais se suffit plutôt de la traduction par le visuel d'une quête très pragmatique. Témoignages d'un souffle d'action, d'une performance répétée inlassablement, à l'abri des regards, de l'artiste seul face aux vides qu'il anime pour un temps. Dans le cas de Berlin : par la construction d'abris de fortunes, le squat même de ces endroits, la prise d'images et le dessin d'une carte de la ville les indiquant. Dans le cas de Pékin : par le recensement des maisons expulsées et murées au moment des Jeux Olympiques. L'artiste dévoile son entreprise d'appropriation de la ville comme terrain potentiellement surprenant, et tisse un langage propre à son interaction avec les espaces soumis à son geste. En zooms successifs et décalés, il déploie en vision entière ce qui n'est au quotidien que le mode mineur de nos cités. Cela ressemble bien à une forme de fascination pour, hypothèse basse, l'envers, ou, hypothèse haute, la ruine, motif dont l'esthétique intrinsèque et le poids historique parle de lui-même. Laetitia GiryEtienne Boulanger 2001/2008
Jusqu'au 19 juin au Centre d'Art Bastille