Lundi 19 juin 2023 La musique classique contemporaine réunie autour de la figure d'Olivier Messiaen, pour des concerts en altitude mais aussi des randos musicales, colloques et rencontres.
Le changement dans la continuité
Par François Cau
Publié Lundi 31 octobre 2011
Photo : Philippe L
Nourri aux influences musicales diverses allant de l’électro au punk en passant par le rock ou le jazz, le frenchy Rubin Steiner s’est lancé dans le hip hop en collaborant avec le rappeur canadien Ira Lee, pour un résultat détonnant et explosif. À l’occasion de son passage par Grenoble, on lui tire le portrait. Aurélien Martinez
En France, la musique, pour certains, c’est des cases aux frontières intouchables et infranchissables : chacun chez soi, et tout ira pour le mieux. Cette donnée prise en compte, les artistes estampillés cocorico pleuvent sur notre bel hexagone, déjà bien rempli de photocopies d’originaux déjà plus très jeunes. Pourtant, quelques courageux osent s’affranchir des codes en vigueur avec tout juste ce qu’il faut de sincérité pour donner un bon coup de pied dans la fourmilière sans que cela ne paraisse prétentieux ou totalement fabriqué.
Niveau grand public, Philippe Katerine est un très bon exemple de ce courant impalpable, lui qui en agaça plus d’un en 2010 avec un album démontant le principe du titre pop, ou encore avec celui qu’il a composé en 2009 pour l’iconoclaste Arielle Dombasle (un très grand disque… malheureusement incompris !). Dans cette même famille, versant moins mainstream, on peut aussi citer Rubin Steiner (Frédérick Landier de son vrai nom) : un musicien touche-à-tout estampillé électro qui, depuis une dizaine d’années, enrichit le paysage sonore français à coups de compositions inclassables et de collaborations fructueuses. La preuve une fois de plus avec We are the future, sa dernière livraison en date concoctée avec le Canadien Ira Lee.
French touch
Mais revenons d’abord en arrière pour bien comprendre de qui l’on cause. Rubin Steiner naît en 1974 à Tours, où il anime rapidement une émission de radio (Nuisances sonores, sur Radio béton, la radio libre du coin), monte un fanzine (Stéréophile) et organise divers concerts. Des activités qu’il imagine les plus larges possibles, puisqu’il s’intéresse aussi bien au free-jazz qu’à l’électro, au punk ou encore à la musique expérimentale. Parallèlement, et ce avant même d’être majeur (pourquoi attendre ?), il commence lui aussi à bidouiller la musique, enregistrant diverses home-tapes fortement influencées par le son de l’époque, indé ou non (Nirvana, les Pixies, …). Ce qui, en 1998, le mène tout logiquement à s’autoproduire, composant ainsi Lo-fi nu jazz – le volume 2 arrivant deux ans plus tard sur le label Platinium records, avec lequel il bosse toujours aujourd’hui.
En 2002 sort Wunderbar drei, marqué par la naissance d’un quartet pour la scène (il évoluait avant en solo), avec, outre Rubin aux machines, un contrebassiste, un trompettiste et un VJ, pour un son à la croisée des influences. Un album tout en déconstruction (le traditionnel enchaînement couplet refrain en prend un coup) qui lui vaudra la reconnaissance de la critique, de ses pairs et du public, l’homme se trouvant alors invité dans de nombreux festivals. Et en 2006, c’est carrément la fête à la maison : son Drum major !, constellation de titres inventifs et hors normes à l’énergie débordante, se trouve nommé aux très plan-plan Victoires de la musique, ratant de peu le trophée de l’album de musiques électroniques/groove/dance de l'année (c’est Bumcello qui gagne). Mais ce n’est pas si grave, parce que cette même année, les Victoires ont sacré Raphaël, alors…
Les sens en émoi
Voilà pour la biographie (synthétique, certes, le parcours de Steiner étant riche et divers, émaillé d’une demi-douzaine de productions) qui permet d’apprécier au mieux le talent de l’artiste. Un artiste qui, jamais à court de nouveaux projets, vient de se lancer pleinement dans l’aventure hip hop. Début 2011, il a ainsi mis sa musique électro au service du flow d’Ira Lee, rappeur à la voix chaude et charnelle façon bluesman du siècle dernier. Une rencontre explosive entre deux univers affirmés (Ira Lee a une dizaine d’albums au compteur) pour un résultat studio probant, à découvrir évidemment sur scène.
Encadré: We are the future
Le titre, prétentieux tout juste ce qu’il faut, fait son petit effet. L’écoute de l’album aussi. Rubin Steiner et Ira Lee se sont rencontrés en studio presque par hasard – le premier a demandé de l’aide au second pour un remix qu’il n’arrivait pas à boucler. Rapidement, ils se rendent compte que leurs univers sont irrésistiblement attirés l’un vers l’autre. Les deux musiciens ne réfrènent donc pas leur désir, et voilà We are the future. Une musique colorée et rythmée qui affole les sens en mixant hip hop, soul et funk, et qui accouche de morceaux à la redoutable efficacité : Come back to me, The luckiest man, ou encore l’entêtant Gay & Proud et ses paroles tranchées, qui connut un joli petit succès dans le milieu gay. Une très chouette partouze musicale en somme.
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