Mémoires de nos pères

PERFORMANCE/ Artiste inclassable, Laurent Pichaud investira ce week-end le Parc Borel de Pont-de-Claix accompagné de quatre danseurs et plasticiens. Et questionnera la place des signes commémoratifs dans notre société contemporaine. Rencontre. Propos recueillis par AM

Petit Bulletin : Comment est née cette performance sur le monument aux morts ?
Laurent Pichaud : Un monument aux morts, il y en a partout ; les gens savent plus ou moins qu’il est quelque part. Mais on ne le regarde plus. On peut donc l’interroger non pas à travers le prisme de la valeur, de la glorification, mais en se disant : il sert deux heures par an, qu’en reste-t-il les 364 jours et vingt-deux heures restants ?Vous posez donc la question très contemporaine de notre rapport à un certain devoir de mémoire…
J’ai fait des études en histoire de l’art. J’avais un sujet lié à l’histoire de la Shoah, et ces questions du devoir de mémoire, je les avais arpentées théoriquement et universitairement. Concrètement, il faut prendre le monument à rebours de ce qu’on veut lui faire dire. Je ne crois pas trop au devoir de mémoire, on ne peut pas imposer une mémoire à quelqu’un qui n’a pas vécu tel ou tel évènement. C’est mettre beaucoup de pression sur le dos des enfants je trouve. Aujourd’hui, on a ainsi découvert que le monument aux morts était un peu tabou, car personne ne sait quoi en faire. On se retrouve dans une génération où il est maintenant dépassé, on le voit plus comme un objet que comme un monument commémoratif. C’est une bonne époque pour analyser notre présent en regardant ce monument qui a une histoire, alors que l’on veut nous faire croire qu’il est intemporel.L’analyser avec une performance qui se déroule en extérieur, dans un endroit public…
Ça fait dix ans que je n’ai pas fait de pièces dans un théâtre. Il faut donc trouver sur chaque lieu l’équilibre entre l’acte artistique en lui-même, et le lieu, qui doit rester vivant : on ne veut surtout pas le transformer en théâtre ; or, on a l’habitude de faire ça, avec le théâtre de rue par exemple. J’essaie ainsi d’interroger comment chaque lieu pourrait porter en soi des nouvelles manières d’être regardé à travers l’acte artistique. Donc le monument m’intéressait, en particulier pour essayer des choses liées au long terme : en général, un spectacle a une durée, et là, je me suis dit que j’aimerais bien faire une pièce qui soit trop longue à regarder [la performance dans son ensemble dure deux heures – NDLR], et que, du coup, l’on soit passant ou averti, ça marche.MON NOM, UNE PLACE POUR MONUMENTS AUX MORTS
Vendredi 1er avril à 14h, samedi 2 à 10h et 15h, au Parc Borel (Pont-de-Claix). Entrée libre.
Dans le cadre de la programmation de l’Amphithéâtre.

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