Zoom / Pas facile quand on livre des albums qui donnent l'impression d'être fabriqués par une armée de petites mains, délicatement pétris d'arrangements studieux, de négocier leur passage sur scène. L'option couteuse consiste alors à tenter de reproduire à la note près son dernier disque, ce qui déçoit toujours le public, avide de nouveauté, l'option bon marché à choisir le dépouillement faussement intimiste, ce qui déçoit toujours le public, criant à l'imposture. Sur ce sujet, le concert d'Andrew Bird et Syd Matters, brillants triomphateurs de l'impossible équation, aura sans doute des allures de master classe. On l'avoue, la première fois qu'on a vu Bird et son sampler en concert (en 2004 à la Maroquinerie à Paris) on a cru mourir d'ennui : impression d'être empêtré avec lui dans ses samples et des intros de morceaux ad libitum. Et puis on l'a revu, plusieurs fois (Sirius, salle Victor Hugo), et depuis l'enchantement opère à chaque fois, particulièrement quand l'oiseau est accompagné d'un groupe. Quasi breveteur de l'utilisation de boucles autoproduites pour pallier l'absence de musiciens (et de budget) sur ses tournées, Bird a en effet fini par maîtriser ce dangereux procédé comme personne (beaucoup de ceux qui l'ont copié s'y sont cassé les dents). Avant tout, il s'agit d'un multi-instrumentiste hors-pair particulièrement savant quand il s'agit de tisser des ambiances hypnotiques qu'il effleure alors de sa voix faussement de fausset. Syd Matters, lui, affublé du titre honorifique de Robert Wyatt parisien, s'y prend tout autrement. Auteur d'albums qu'on jurerait enregistrés seul dans une chambre de bonne à ciel ouvert (ce fut objectivement le cas du premier, A Whisper and a sigh), une fois sur scène, il métamorphose (avec ses potes) ses aspirations atmosphériques en pur rock n'roll des (bonnes) familles. Où ses chansons trop grandes pour les deux dimensions d'une galette discographique, s'ouvrent en corolles soniques. S'il restera amical, l'affrontement risque de faire mal. Et aussi pas mal de bien. SD
