Fabrique d'acteurs, les coulisses

Casting / C'est officiel, le Conservatoire National de Région sélectionne en ce moment les élèves de sa première promotion théâtre. Disparue il y a quinze ans, la section fait l'événement en formant à nouveau dans un cadre public les prétendants aux feux de la rampe. Dalya Daoud

Mercredi dernier, dans la cour du Palais Saint Jean, les premiers candidats à la nouvelle classe du Conservatoire National de Région (CNR) font leur apparition, valises à la main, pleines de costumes ou de tapis de yoga. Les auditions ont eu lieu toute la semaine, et ils sont plus d'une centaine à avoir envoyé une candidature, forts d'une expérience minimale requise dans le théâtre. Le CNR va enfin former, en plus de ses musiciens, la prochaine génération de comédiens. Et ils veulent tous en être. Sourires crispés, maux de ventre, visages concentrés, l'ambiance est plutôt studieuse et, bien qu'il s'agisse d'un concours, cordiale et calme. Dans les salles de préparation, on répète une dernière fois son texte ou on fait ses gammes sans gêner les autres. Avec deux plaisanteries qui détendent l'atmosphère, Philippe Sire, le directeur de la nouvelle section théâtre accueille généreusement la première brouette de prétendants dans une vaste salle. Parquet rutilant, plafond haut, fenêtres larges, poussiéreuses et, en rang d'oignon, sérieusement installés derrière une table, les jurys qui se tiennent prêts. "J'ai seulement envie de vomir", souffle Caroline, jeune lycéenne à Voiron qui vient de rater son bac. De gauche à droite : Philippe Sire, responsable du cursus, René Clément, directeur du CNR, Magali Bonat, comédienne et future intervenante, Françoise Lervy, comédienne formée au conservatoire et Laurent Brethome, comédien et metteur en scène, observent les candidats.Durringer, Durringer, DurringerPour le premier jour des auditions -"comme pour les suivants", confirmera Magali Bonat- l'audace se fait rare dans les choix des textes présentés. Pour les chansons, on entend un désuet amant de Saint Jean, un aigle noir qui vole un peu trop haut dans les notes... Et, pour le théâtre, évidemment, du Xavier Durringer. "De la même façon, depuis plusieurs années, à chaque audition on ne peut pas échapper à la pièce Chambres de Minyana, " raconte Philippe Sire. "Les candidats jeunes aiment ce langage proche du leur, suppose Magali Bonat. C'est en tout cas une culture très télévisuelle". Le répertoire contemporain, en dehors de références consensuelles, est peu abordé. On aperçoit un peu Godot, Brel et Ferré tiennent le haut du pavé. Quelques-uns tentent Shakespeare et, fille ou garçon, arrivent donc avec une paire de bijoux virils, selon l'expression consacrée. Plus généralement, le choix des pièces présentées "donne des indications sur la culture du candidat, sur son parcours éventuellement, assure Philippe Sire, mais on ne peut fonder notre jugement là-dessus". La prise en charge des futurs élèves est exceptionnelle. Une première sélection amènera quarante cinq candidats à un stage en octobre, qui permettra de mieux les connaître. Finalement, vingt-quatre élèves entameront enfin les cours, le 6 novembre prochain.La comédie, un vrai travailAu bout de deux jours d'audition, Laurent Brethome, le jeune metteur en scène qui fait plutôt bien son trou, montre des coudes presque éraflés à force d'être nerveusement appuyés sur la table du jury. Physiques, les auditions. Et pas uniquement pour l'équipe sélectionneuse. Philippe Sire reste imperturbable et prend en charge de couper les ardeurs des apprentis qui s'étaleraient un peu trop. Le timing est serré, en deux heures, une quinzaine de candidats présentent deux extraits. "Je n'ai que 17 ans, explique Rémy, si ça ne fonctionne pas cette année, je reviendrai". S'il fait sans doute partie des benjamins, d'autres candidats affichent dix ans de plus sur leur CV. Parmi les adeptes de Durringer, et néanmoins candidat remarquable, on trouve Julien, bientôt 27 ans, qui a plus ou moins usé ses pantalons sur les bancs d'une fac d'anglais. Depuis quelques années, il tourne avec une petite compagnie. "Je me suis posé beaucoup de questions...", dit-il. Ces deux années d'études ne représentant pas le même enjeu selon les parcours. Julien a fini par se présenter, à raison d'ailleurs, sa prestation étant une preuve du niveau étonnamment élevé du casting. "Il y a beaucoup de maladresses, des voix mal posées, décrit Philippe Sire, mais Dieu merci, nous sommes une école et on va servir à quelque chose".À l'unanimitéDans la région, une classe d'art dramatique au CNR manquait à l'éventail de formations à la comédie. Elle avait pourtant existé, jusqu'en 1992, date à laquelle Janine Berdin, sa directrice est partie à la retraite. À l'époque, la mairie de Michel Noir n'a pas remplacé le poste, et c'est ainsi que le conservatoire a perdu son enseignement théâtral. Son renouveau était une volonté des collectivités et de Patrice Béghain (adjoint au maire délégué à la culture), notamment. L'étude réalisée en amont pour confirmer la pertinence du projet avait révélé l'existence d'une multitude de cours et de divers ateliers de théâtre, "où le pire côtoie le meilleur", résume Philippe Sire. Sans conteste, les directeurs des établissements 'concurrents', École de Saint Etienne et Ensatt, se sont dit satisfaits par l'idée. Jurés et candidats, jusqu'à vendredi soir, étaient au moins tous d'accord sur un fait, la réouverture de cette classe était nécessaire.

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