Musique / Créé en 2005, le label SillonS se veut un refuge d'écritures musicales singulières, proches de l'électronique, mais lorgnant vers le post-rock ou la chanson. Rencontre avec les deux piliers de cette écurie aux idées larges.
Emmanuel Alarco
Il y a quelques années, dans un passionnant documentaire consacré à l'enregistrement de son chef d'œuvre Homogenic, Björk remettait en cause la soi-disant froideur des musiques électroniques. Pour elle, les machines n'étaient que des outils, des instruments et tout dépendait des humains qui s'en servaient. Pas de fatalité de la boîte à rythme. Si on ne leur a pas demandé de réagir directement sur la chose, les gars de SillonS souscrivent sans aucun doute à ce genre de propos. Tout au long de la conversation, comme dans la note d'intention du label, les mots "sensuel", "organique", "humain" ont la part belle. David : "Que ce soit seul pour In-sektrauma ou en duo avec Ulrich (Ferry.Estreich), on n'utilise pas d'ordinateur sur scène. Juste des boîtes à rythme, des synthés, des sampleurs, des tables de mixage détournées et bien sûr la voix. La musique se crée en temps réel, ce qui nous permet d'avoir un côté énergique et sensible qu'on ne retrouve pas forcément avec un double click sur une souris." On l'aura compris, les bidouilleurs d'i-Mac en public ne sont pas les bienvenus. "Notre musique est très évolutive et repose en grande partie sur des tensions ; en live, il est fondamental que rien ne soit figé et que l'on puisse jouer sur ces tensions, notamment en laissant une vraie place au silence", renchérit Ulrich, qui sévit par ailleurs en solo sous le nom d'Anotret.Jeu collectifAu premier abord, il peut sembler surprenant d'entendre des musiciens électroniques se répandre à ce point sur les joies de la scène. Mais en creusant un peu, on s'aperçoit très vite que SillonS est un label qui dépasse le simple cadre de l'électro. "L'idée de départ était de proposer des écritures sonores novatrices, exigeantes et sensibles, nous dit Ulrich. Faire de l'expérimental ne m'intéresse pas, il faut qu'il y ait le pathos. Si tout repose sur l'intellect, je m'ennuie vite." Une philosophie qui amène aujourd'hui le label à mettre en ligne une compilation aux horizons multiples et à l'étonnante cohésion. Esprit de corps, qui porte fort bien son nom, est la réunion d'une douzaine de personnalités des plus singulières, plus ou moins proches de la maison mère. Des Jeux de cordes hypnotiques de Laark aux crépitements abrasifs d'In-sektrauma ; des mélodies malades de Stah au très acoustique Conte d'hiver d'Anotret (dont le parlé-chanté évoque immanquablement l'ex-Kat Onoma Philipe Poirier) ; du trip-hop glacé de FABle aux magnifiques guitares post-folk de cZarneKci (rappelant les meilleures pièces instrumentales de Fog ou Jim O'Rourke). Autant de perspectives enchevêtrées à découvrir sur le site du label et évidemment sur scène, avant le départ prochain de ces messieurs pour quelques concerts à Paris, Berlin et au Canada. "Au final, on s'est rendu compte qu'il était plus facile de trouver des dates à l'étranger qu'à Lyon !" Allez comprendre...Anotret + In-sektraumaVendredi 3 février à l'Arrêt Public des Plataneswww.sillons.org
