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Canaille & Pétrin : boulangerie engagée
Par Adrien Simon
Publié Mardi 20 septembre 2022
Boulangerie / À la lisière de la Guillotière, a ouvert, début septembre, une nouvelle boulangerie. Elle est tenue par deux anciens ingénieurs qui préféraient faire du pain au levain et à la main.
On a découvert par hasard cet espace tout en longueur avec, à main gauche, quatre tables en formica, à main droite, du pain, et, au fond, derrière une vitre, deux jeunes les mains dans la pâte. La gamme (des grosses miches, pas de baguette, des focaccias, pas de sandwich-poulet, des brioches, pas de millefeuilles surgelés) et puis les murs ocres : on a pensé à Bonomia, un récent pétrin de la Croix-Rousse et à cette vague de boulangeries d’un "nouveau genre". Il y a des similitudes mais ce Canaille & Pétrin reste singulier. On le comprend en voyant la longue étagère qui sépare l’espace en deux. Elle supporte un traité de boulangerie au levain, signé Thomas Teffri-Chambelland, et puis d’autres ouvrages, sur l’écologie et l’effondrement. Nous y voilà…
On ne sait pas quand est censée débuter la "grande bascule" de nos sociétés... Mais d’aucuns ont déjà pivoté. Voici la nouvelle version de la reconversion : on quitte son (bullshit) job, non plus seulement pour soi (quel sens a ma vie ?) mais pour le monde (à quoi je contribue ?). Prenez Romain Gendre et Brice Castelli : ils furent ingénieurs, promus dans les années 2010, aux Arts et Métiers. Dans le monde des grandes écoles, c'est pas mal. C’est dans la même équipe que les Ponts, les Mines ou AgroPariTech - cette dernière, on en a justement récemment entendu parler pour des faits de « désertions » (on ne veut pas fabriquer ce monde-là). Romain et Brice, donc, comme d’autres de leurs ex-camarades, ont fait le parcours suivant : un poste dans l’environnement (chez Vinci ou autre) et puis j’arrête tout : pour faire du vin nature, pousser des légumes ou cuire du pain. Faire fermenter de la farine ça s’apprend - par exemple à l’Ecole Internationale de Boulangerie (Alpes de Haute-Provence), celle de M. Chambelland (l'auteur du livre), qu’ont fréquenté nos compères (dans la même promo que la boulangère de Bonomia, ça c'est pour les similitudes).
Pain à part
Nos boulangers disent : « on voulait s’installer dans un quartier populaire. Pourquoi ? Parce que ç’aurait moins de sens de faire ça ailleurs. On aimerait qu’on arrête de penser que la bonne bouffe c’est que pour les bobos ». Et maintenant ? « Il faut briser la glace parce que oui on n’ouvre pas à huit heures, on n’a pas de chaussons aux pommes, le pain se vend au poids. » De ce qu’on a vu, ça a l’air de plaire. Il faut dire que le pain est bon, fort marqué par le levain de seigle qui vient nourir une farine bio du Moulin Marion. Les deux amis se sont posés la question d'utiliser des blés issus de semences paysannes (non optimisées, produites par l'agriculteur lui-même). Mais ç'aurait sensiblement augmenté les coûts : « un pain à 10€/kilo, au final qui est-ce qui l'achète ? Il faut que ça reste accessible ». C'est pour le même genre de raison qu'il n'y a pas de baguette : pour limiter le prix, il faut faire simple mais aussi proposer un pain qui se conserve plusieurs jours, qu'on ne jettera pas.
On l'a à peine évoqué mais celui-ci est pétri à la main. « Il se dit que ça permet d’éviter l’oxydation que provoque le pétrin mécanique. Nous, on ne le fait pas pour cette raison, mais parce qu’on aime ça, travailler la pâte. On ne veut pas apporter en même temps que la machine une logique capitaliste et une volonté d’optimisation du temps. » Plutôt que l’éloge de la lenteur, on fera, nous, celle des brioches à l’huile d’olive. On a un faible pour les "pompes" provençales, cellse-ci sont réussies. Elles peuvent se déguster, en autant de temps qu’on le souhaite, sur l’une des tables en formica : il y a du café à disposition, cette partie du lieu est en autogestion.
Canaille et pétrin
89 rue Paul Bert, Lyon 3e
Du mardi au vendredi de 11h30 à 19h30, samedi de 9h à 13h
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