article publi-rédactionnels
L'Égypte antique s'expose à Lyon
Par Sébastien Broquet
Publié Mercredi 5 octobre 2022
Histoire / Deux expositions consacrées à l'égyptologie ont ouvert leurs portes à Lyon : très différentes même si leurs titres sont presque copiés/collés, elles se complètent parfaitement et méritent une visite. L'une est consacrée à Toutankhamon, l'autre à Champollion.
Pas de syndrôme de Stendhal en vue du côté des visiteurs de l'exposition Toutankhamon, à la découverte du pharaon oublié, qui vient de s'ouvrir à La Sucrière : aucun objet réel retrouvé dans son hypogée ou ailleurs lors de fouilles ultérieures n'est visible au fil de la visite. Tout n'est que reproduction. Fidèles, et soignées : ce sont les meilleurs musées d'Europe et surtout celui du Caire (le Supreme Council of Antiquities Replica Prodcution Unit, exactement, pour 250 d'entre eux) qui ont façonné ces imitations d'artefacts. Et du côté des organisateurs, les sociétés privées Tempora et Europa Expo, on l'assume clairement et on ne cherche pas à tromper le visiteur. Pourquoi en parler d'emblée ? Parce que c'est à la fois la force et la faiblesse de l'exposition. La force, parce que tout est là : masque de Toutankhamon, célèbre buste de Néfertiti exposé au Neues Museum à Berlin, fameuse dague en fer de météorite, etc. Il ne manque rien de ce que l'on a trouvé dans le caveau funéraire, rien de ce qui entoure le culte de Toutankhamon et fascine tant depuis deux siècles que les Occidentaux ont pris conscience de la puissance de cette civilisation antique.
Et c'est aussi la faiblesse de cette exposition, puisque finalement, le parcours est attendu, un peu linéaire, et cette absence d'objets originaux n'a pas poussé les scènographes ou historiens à rivaliser d'imagination pour combler un vide. Puisqu'il suffisait de faire appel à un copiste pour avoir la pièce voulue. L'émotion n'est pas la même non plus.
À visiter en famille
Faut-il s'y rendre tout de même ? Assurément, oui. En étant conscient de cet écueil, et de l'angle choisi : suivre l'archéologue Howard Carter sur les traces de son expédition ayant mené à la découverte du tombeau tant recherché. Car au-delà de l'aspect historique, respecté, la scénographie et le parcours suivent d'abord les traces de l'Européen en quête de découvertes, et non pas la vie de Toutankhamon. En-celà, l'exposition est autant consacrée au pharaon qu'à celui qui a redécouvert son tombeau, au trésor qu'à l'Indiana Jones l'ayant déniché.
On débute la visite par un passage sur le pont du navire ayant traversé la Méditerranée, on écoute la voix dans l'audioguide qui est censé être celle d'Howard Carter et on enchaîne avec les conditions des fouilles, la vie de Carter et sa rencontre avec l'indispensable mécène Lord Carnarvon ayant financé les fouilles, acheté la concession — mécène qu'il faudra attendre plusieurs jours avant l'ouverture réelle du tombeau, après sa découverte le 22 novembre 1922.
Avant, enfin, d'arriver au cœur du sujet et de ressentir l'effet whaou : le tombeau reconstitué de Toutankhamon, voisinant avec deux autres vitrines reconstituant le vrac des objets enterrés avec lui pour lui permettre un meilleur séjour dans l'au-delà : chars, armes, nourriture (sarcophages de canards !), onguents et matériel pour écrire... C'est de loin le meilleur moment de l'exposition, qui se décline ensuite dans la grande pièce suivante, où chacun des objets est expliqué et classé par fonction, révélant par là-même l'importance historique colossale de la découverte de ce tombeau : au-delà de Toutankhamon, c'est surtout un immense savoir sur la vie quotidienne dans l'Égypte ancienne qui s'est alors révélé au "monde moderne".
S'ensuit une partie plus classique sur la dynastie, l'arbre généalogique, les Dieux, mais une autre pièce retient l'attention, c'est l'atelier reconstitué du sculpteur officiel de la royauté, Thoutmose, dont la maison a été retrouvée par Borchardt en 1912 à Amarna. C'est à lui que l'on doit le fameux buste de Néfertiti, et toute une partie est dédiée à son art, sa fonction comme à son statut.
Champollion et les hiéroglyphes
Pour les artefacts réellement utilisés au fil des dynasties de l'Égypte ancienne, il faudra se rendre au Musée des Beaux-Arts, qui lui aussi succombe à l'égyptologie et expose 145 de ces antiquités, programmant dans sa petite salle un événement ciblé lui sur Jean-François Champollion, les hyéroglyphes et les reliant à François Artaud, personnage central du musée à l'origine de sa création, qui en fut le premier directeur, en profitant pour relater les liens très anciens unissant Lyon et l'égyptologie.
C'est court, mais c'est dense : il faut ici prendre beaucoup plus de temps sur chaque vitrine pour en assimiler les richesses et la pertinence du contenu. L'on s'attache à revenir sur ce mystère qui a agité les scientifiques et les curieux durant des décennies, avant que Champollion le jeune ne se serve de son immence connaissance des langues étrangères et en particulier du copte contemporain, comme de son savoir sur la civilisation égyptienne, pour qu'enfin ce qui était devenu une sorte de code secret soit percé à jour en septembre 1822 — grâce, bien entendu, à la découverte de la pierre de Rosette ; dont Champollion n'eut que des reproductions en mains...
Il faut aussi largement réhabiliter le travail et le mérite du frère aîné Jacques-Joseph Champollion-Figeac : c'est lui qui incita et guida son petit frère dans ses études, qui le poussa, échangea longuement avec lui pour discuter des pistes suivies... L'étude de la correspondance de Jean-François, éditée en 2019 par Christian Bourgois, en complément chronologique de ses carnets de voyage en Égypte, est en cela éloquente et montre bien l'importance du lien intellectuel entre les deux frères. L'exposition s'y attelle aussi.
Au fil du parcours, outre les deux frères, outre François Artaud, avec lequel des liens d'amitié seront vite tissés, on découvre d'autres noms qui permettent de comprendre que Lyon a tôt été — dès la Renaissance — sensible à l'égyptologie, que collectionneurs et chercheurs et intellectuels s'y sont intéressés ici au fil des décennies, permettant de nourrir l'actuelle collection du Musée des Beaux-Arts.
Toutankhamon, à la découverte du pharaon oublié
À La Sucrière jusqu'au 24 avril 2023
À la recherche des hiéroglyphes oubliés
Au Musée des Beaux-Arts jusqu'au 31 décembre
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