Dans la ville du textile, les friperies subissent une baisse de fréquentation

La fripe, c'est chic / Entre prise de conscience environnementale et tendances cycliques, la seconde main a le vent en poupe depuis plusieurs années. Cependant, à Lyon, la fréquentation des fripes est en baisse.

Suite à la médiatisation des mauvaises conditions de travail dans l’industrie textile, l'impact environnemental de la fast-fashion et l'émergence de la mode vintage, les friperies ont fleuri toutes les grandes villes. Qu'en est-il à Lyon, dont l’histoire est liée à celle du textile ?

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La fréquentation en baisse à Lyon

Alors que les premières friperies datant du Moyen-Âge permettaient aux moins riches de se vêtir avec des vêtements à bas coût, celles d'aujourd'hui accueillent un public bien plus diversifié, un public qui a le choix du neuf (même à très bas coût), et qui se tourne vers des vêtements qui ont déjà été portés.

Les friperies revendiquent donc une identité forte. Cela se ressent dans le soin apporté à leurs intérieurs : décoration moderne, locaux lumineux et bien aérés, rock indé' en fond…  Malgré tous ces efforts pour plaire à la clientèle, bon nombre d'enseignes déplorent une baisse de fréquentation.

Sur la Presqu’île, le Kilo Shop situé place de la Bourse aurait accueilli moins de clients l'année passée, comme en témoigne Régis Guillot, son responsable. Il accuse la mise en place des voies piétonnes dans la Ville de Lyon : « Les gens ont moins de place pour se garer et ont plus de mal à circuler, alors ils viennent moins. Par exemple, sur les années un et deux [Le magasin a ouvert en 2021, NDLR] les samedis étaient super, maintenant, sur l’année trois ça peut être de plus petites journées que certains mardis ou vendredis. »

En remontant sur la Presqu’île, un autre grand nom de la fripe à Lyon : Elephant. Ici, la fréquentation est de plus en plus touristique. Selon Wyatt, le vendeur principal de la boutique depuis trois ans, « Ces derniers mois, la proportion de touristes a explosé, on est passés d’un ratio de 50/50 à du 80/20. »

Impact de l'inflation

Le commerçant ne manque pas d'évoquer l'inflation : « La priorité c’est de manger », comprend Wyatt. « Vu qu’ils sont en vacances, les touristes ont tendance à vouloir profiter et rechignent moins à dépenser », conclut-il. Niveau fréquentation, la boutique ne ressent pas l’impact de la piétonnisation : « Elephant est un magasin de destination, on n’est pas sur l’une des rues principales de la ville donc les gens qui viennent ont vraiment envie de venir dans la boutique », termine le vendeur.

Et en dehors de la Presqu’île ? Dans le 7ᵉ arrondissement, La Pure Second Hand est ouverte depuis cinq ans. Montée par un trio d’amies, la boutique rencontre elle aussi une légère baisse de rythme. D'après Alejandra Moreno, l’une des trois cofondatrices, « Quand on a ouvert, la fréquentation était super, mais depuis octobre l’année dernière on traverse une petite difficulté et une baisse de fréquentation partagée par les autres commerçants du quartier. Certes, on continue à avoir des clients, mais on sent aussi qu’ils hésitent plus au moment d’acheter. »

Lisa, cliente de La Pure Second Hand, commente leur évolution : « Avec le temps c’est devenu de mieux en mieux, aujourd’hui on a des magasins de fripes avec de très bonnes sélections de vêtements, moins de vêtements endommagés. Mais cela se paye, les prix sont aussi devenus plus élevés. » 

Concurrence digitale des particuliers

Autre entrave au développement des friperies : le commerce en ligne. Depuis le confinement, le marché de la seconde main s'est particulièrement développé sur le web, avec la revente de particuliers à particuliers, et l'essaimage de nombreux commerces en ligne. Un phénomène toujours en expansion puisqu’il pourrait représenter 74 milliards d’euros en 2030 selon un rapport du géant américain de la revente Thred Up datant de 2021.

Le géant de la revente de particulier à particulier en ligne, Vinted, compte aujourd'hui plus de 23 millions d’utilisateurs selon l’application de shopping française Joko, avec en moyenne deux transactions réalisées chaque seconde. Des nombres qui peuvent intimider les friperies.

Avec l’essor de ces plateformes, des pratiques de spéculation par les particuliers ont vu le jour. Des achats dans le but de revendre avec une belle marge. Une tendance qui a poussé certaines enseignes à gonfler leurs prix, comme c’est le cas en Belgique.

Mais à Lyon, cette pratique ne semble pas encore avoir influencé les friperies. Certaines enseignes, comme Elephant, justifient leurs prix un peu plus élevés que la moyenne par leurs méthodes d’approvisionnement : « Ici on est plus axés sur la sélection, parce qu’on fait du picking (du choix « à la carte ») et pas de l’achat au kilo, ça coûte plus cher, c’est aussi pour ça qu’on se revendique comme magasin vintage et pas juste une fripe, en plus d’avoir des vendeurs qui sont là pour conseiller le client », explique Wyatt.

D’où viennent les vêtements des friperies ?
Contrairement à ce que l’on peut penser, les vêtements que l'on retrouve dans les friperies ne viennent pas tous de brocantes ! Pour la plupart, ils sont issus de centres de tri auxquels seuls les professionnels ont accès, ils peuvent y acheter des vêtements au poids ou, pour une somme supplémentaire, choisir à la main des pièces spécifiques. En moyenne, les friperies réalisent deux sessions de quelques jours chacune pour le printemps-été et l’automne-hiver, complétées par de plus petits allers-retours d’une journée pour faire un réassort si les stocks viennent à manquer.

Un argument auquel se joint Antoinette D’Arfeuille, gérante de Fripesketchup (Lyon 1er). « On a tous une place dans les maillons de la chaîne, personnellement je vends à un prix qui garantit un service et une qualité qui me conviennent. »

Les friperies, offrant des gages de fiabilité

Charlotte, cliente de Kilo Shop continuera de fréquenter les friperies activement, et évoque sa méfiance grandissante à l'égard des sites de vente de particulier à particulier : « C’est fou d’aller sur Vinted et de tomber sur des t-shirts basiques à quarante ou cinquante euros. » Elle conclut : « Je pense que les gens vont arrêter d’acheter au bout d’un moment, ils vont se rendre compte de la supercherie. »

Les friperies semblent donc loin d'avoir dit leur dernier mot, en témoigne Alejandra Moreno de La Pure Second Hand : « Avec la fast fashion, on fait de fausses économies en rentrant dans un cercle vicieux : un t-shirt acheté 3 euros en soldes chez H&M va se détériorer rapidement contrairement à un autre, vintage, en 100% coton acheté 18 euros en friperie qui durera des années. Le prix sera amorti avec le temps puisqu’on ne devra pas le remplacer tout de suite. Les gens qui ont compris ça n'arrêteront pas de fréquenter les friperies de sitôt. »

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