Rentrée cinéma : No country for old men

Les films de la saison / L’été aura été marqué par une haute fréquentation des salles à la faveur de mastodontes français (Le Comte de Monte-Cristo, l’irréductible Un P’tit truc en plus) et américains (Vice-Versa 2, Moi, moche et méchant 4, Deadpool et Wolverine), avant de laisser un peu d’espace à deux films d’auteurs largement plébiscités (Emilia Perez, Le Roman de Jim). Entre les retours de franchises identifiées et de noms importants, poids lourds cannois et outsiders à surveiller, cette dernière partie de l'année devrait combler davantage de sensibilités.

Tandis que Longlegs, Sans un bruit - Jour 1, Trap, MaXXXine ou autre Alien Romulus, sont encore à l’affiche et ont activement contribué à rendre l’été cinéma stimulant, l’horreur ne sera pas en reste sur cette fin d’année. Depuis près d’une décennie, le genre est redevenu un terrain propice aux créations et expérimentations tant pour les cinéastes émergents que confirmés. Il n’en demeure pas moins lui aussi touché par une épidémie de sequels, tel le troisième volet d’une saga à l’engouement disproportionné, Terrifier 3 (9 octobre) qui orchestrera le retour de son boogeyman Art le clown.

Don’t Breathe

Parker Finn proposera quant à lui Smile 2 (16 octobre), suite de son succès surprise de 2022 où des visions cauchemardesques réellement effrayantes révélaient un talent de mise en scène indéniable. Curiosité estampillée A24 (Midsommar, The VVitch), Heretic (04 décembre) réalisé par les auteurs de Sans un bruit, verra Hugh Grant sortir de sa zone de confort dans la peau d’un individu inquiétant accueillant chez lui deux jeunes missionnaires mormones. De retour sept ans après son amusant Revenge, Coralie Fargeat a mis la Croisette en ébullition avec son deuxième long-métrage, The Substance (6 novembre), body horror sanglant avec Demi Moore et Margaret Qualley, avant de repartir avec le Prix du scénario. 

Substance cannoise 

La fin de l’été et l’automne seront favorables aux sorties de films sélectionnés et récompensés au dernier festival de Cannes. Un temps favori pour la Palme d’Or, le Prix Spécial du Jury Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof ouvre le bal dès le 18 septembre. Un grand film dense et universel, dont nous reparlerons plus longuement dès sa sortie. Aussi attendu que redouté, Megalopolis (25 septembre), grand retour de Francis Ford Coppola, est enfin passé du fantasme au concret. Ce sera ensuite au tour du lauréat du Grand Prix, All we imagine as light (2 octobre) de se dévoiler, le fascinant premier long-métrage de fiction de l’Indienne Payal Kapadia. Chouchou des auteurs de ces lignes, Sean Baker a décroché une Palme d’or amplement méritée pour son formidable Anora (30 octobre). Artisan discret du cinéma indépendant américain, il signe ici une irrésistible comédie romantique doublée d’un bouleversant récit d’émancipation. Nous serons en revanche moins enthousiastes envers le Prix de la mise en scène attribué au peu convaincant Grand Tour (6 novembre) de Miguel Gomes. Enfin, ne pas oublier, La Plus précieuse des marchandises (20 novembre), beau film d’animation de Michel Hazanavicius.

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Made in France

L’Hexagone sera représenté par des révélations et des figures notables, Commençons par une grosse sensation : Le Royaume (13 novembre). Coup d’essai magistral de Julien Colonna, un thriller corse aux accents tragiques mêlant avec justesse et puissance, sensibilité et brutalité. Zoran et Ludovic Boukherma quittent le cinéma de genre et s'essayent à l’adaptation littéraire avec Leurs enfants après eux (4 décembre), transposition du best-seller de Nicolas Mathieu. François Ozon, lui, réunit des visages familiers de son cinéma (Ludivine Sagnier, Josiane Balasko et Hélène Vincent) à l’occasion de son nouveau drame Quand vient l’automne (2 octobre). Après Le Livre des solutions, Pierre Niney reprend le rôle de l’alter ego de Michel Gondry dans l’attachante autofiction animée Maya, donne-moi un titre (2 octobre). Audrey Diwan sera doublement à l’honneur, d’abord avec son Emmanuelle (25 septembre), cinquante ans après la version culte signée Just Jaeckin, puis avec la sortie du blockbuster de Gilles Lellouche L’Amour ouf (16 octobre), dont elle a écrit le scénario. 

De la suite dans les idées ?

Ex-marginal préféré des studios hollywoodiens, Tim Burton retrouvera-t-il de son mauvais esprit d’antan avec Beetlejuice Beetlejuice (11 septembre), suite tardive de sa comédie macabre sortie en 1988 ? Après la très bonne surprise que fut Joker, la charge incombe à Todd Phillips de réitérer l’exploit avec la comédie musicale Joker - Folie à deux (2 octobre). Autre suite qui ne s’imposait pas forcément, Gladiator 2 (13 novembre) de Ridley Scott aura la lourde tâche de rivaliser avec le souffle épique du premier volet. Réalisateur des très beaux Moonlight et Si Beale Street pouvait parler, Barry Jenkins change radicalement de registre, avec Mufasa (18 décembre), préquel d’un Roi lion photo réaliste de triste mémoire. Enfin, côté animation, Chris Sanders (Dragons) revient aux affaires avec Le Robot sauvage (9 octobre), une fable qui se réclame autant du Géant de fer que des rêveries de Miyazaki. 

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Golden Eighties © Capricci Films

16 mesures de Chantal Akerman

Un an après la ressortie de Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles, Capricci se lance dans une rétrospective consacrée à Chantal Akerman, divisée en deux cycles (les 25 septembre et 23 octobre), composés de huit films chacun. Ce panorama propose des versions restaurées et accompagne un travail titanesque de l’éditeur autour de la cinéaste belge. Parfois dépeinte comme austère et radicale, son œuvre a exercé une influence considérable sur le cinéma contemporain de Gus Van Sant et Todd Haynes à Michael Haneke en passant par Kelly Reichardt, Gaspar Noé ou même Todd Phillips qui citait ouvertement News from home pour son Joker. Exigeante et plurielle, la carrière de la réalisatrice se révèle dense, révolutionnaire à bien des égards et cohérente (son rapport à sa mère et à son judaïsme).

Ce voyage cinématographique d’une quarantaine d’années sera bientôt visible par le plus grand nombre. Comédie musicale colorée sous inspiration Jacques Demy, Golden eighties qui marquait ses retrouvailles avec Delphine Seyrig, constitue l’une de ses propositions les plus ouvertes et accessibles. Très influencée par la littérature, Akerman a porté à l’écran des auteurs majeurs dont Marcel Proust avec La Captive un drame aux accents de thriller quasi hitchcockien, inspiré de La Prisonnière, son roman publié à titre posthume. Son avant-dernier film, La Folie Altmayer, adaptation de Joseph Conrad, prend quant à lui la forme d’une errance mentale et physique, illustration des angoisses d’une artiste alors au crépuscule de sa carrière.

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