Tatami, once ippon a time in Iran

Tatami
De Zar Amir Ebrahimi, Guy Nattiv Avec Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Ash Goldeh

sortie nationale : Mercredi 4 septembre 2024

Raging Bull / Derrière la linéarité de son scénario, Tatami étonne par sa volonté d’entremêler drame sportif, thriller paranoïaque et charge politique, le tout avec une certaine maîtrise. Un beau récit de lutte et d’affranchissement.

D’Asghar Farhadi à Saeed Roustaee, l’Iran fait figure de territoire de cinéma majeur, porteur de propositions intransigeantes et habitées, au grand dam de son régime théocratique et autoritaire. Tatami, co-production américano-géorgienne, réalisée par la comédienne iranienne Zar Amir Ebrahimi (Prix d’interprétation à Cannes en 2022 pour Les Nuits de Mashhad) et le cinéaste israélien Guy Nattiv (Skin), pourrait implicitement servir de passerelle entre la radicalité des grands auteurs et une approche nettement plus mainstream, héritée de la tradition états-unienne. 

L’équilibre de la terreur

Dans une temporalité (une journée) et un décor central (un championnat mondial de judo en Géorgie) définis, le long-métrage relate le bras de fer à distance entre Leïla, une judoka iranienne en mesure d'apporter à son pays sa première médaille d’or, et la république islamique. Celle-ci, dans la crainte d’un futur combat contre une adversaire israélienne, lui impose de simuler une blessure afin d’éviter tout incident diplomatique. La championne en devenir fait l’objet d’une récupération politique avant d'être jetée en pâture et menacée lorsqu’elle ose défier le pouvoir, en refusant de mettre à mal son éthique de sportive. Portrait de femmes en miroir (Leïla et son entraîneuse, campée par Zar Amir Brahimi elle-même), s’émancipant d’un sport à dominante masculine et d’une nation ultra-conservatrice où le patriarcat exacerbé est la norme. Un déroulé limpide, mais partiellement attendu, auquel s’oppose une forme se plaisant à déjouer les apparences et entremêler les genres.  

Liberté chérie

Au format carré et au choix du noir et blanc, deux partis pris faussement austères, le duo de cinéastes (autre figure duelle) répond par une mise en scène à la fois élégante (léchée sans être esthétisante) et percutante. Les combats empruntent à l’énergie du film de boxe : l’exécution des prises priment sur l’attente et les contacts sur la stratégie. Ces scènes rappellent (inconsciemment ?) aux nombreuses grandes réussites en la matière de Nous avons gagné ce soir à Raging Bull, quitte à perdre de vue les spécificités de l’art martial pour gagner en universalité. Cependant, le spectacle tient moins à l’intensité des affrontements qu’à l’enchevêtrement des différentes couches de récits et à l’addition des motifs de tension (à l’instar d’un fulgurant climax). Entre thriller paranoïaque et charge dirigée contre le régime, le sport est presque relégué au second plan. Leïla, héraut malgré elle d’un État totalitaire aux traditions archaïques (en apparence, car le film nous dévoile un autre Iran caché, beaucoup plus libre), se mue en figure libératrice. Une belle héroïne de l’ombre, humaine et déterminée, dont la trajectoire émeut et galvanise.

Tatami
De Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv (Géorgie, USA, 1h43) avec Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Ash Goldeh...
En salles le 4 septembre 2024

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