La modification du loyer commercial

Me Anne-Lise Barbier / Que l’on soit bailleur ou preneur d’un local commercial, la question de l’évolution du montant du loyer peut paraître nébuleuse au regard de sa technicité. Pourtant, il est important d’avoir les bons réflexes au bon moment en ce domaine. Voici quelques éléments de clarification.

À la conclusion d’un bail commercial, le montant du loyer est en général issu des négociations entre les parties et il ne correspond pas toujours nécessairement à la valeur locative.

En revanche, lorsque ce bail est révisé (modification du loyer en cours de bail) ou renouvelé (au terme du bail en cours), le montant du loyer doit par principe correspondre à la valeur locative.

Si bailleur et preneur ne parviennent pas à se mettre d’accord, cette valeur locative est déterminée selon les critères suivants :

– Les caractéristiques du local loué : situation au sein de l’immeuble, surface, volume, accessibilité au public, proportion des surfaces affectées à la réception du public, état du bien, nature et état des équipements…

– La destination des lieux : en simplifiant, s’agit-il d’un bail tous commerces ou pour une activité commerciale précise ?

– Les obligations respectives des parties : qui a la charge des travaux autres que les grosses réparations ? Qui a la charge de la taxe foncière par exemple ?

– Les facteurs locaux de commercialité : intérêt que présente, pour le commerce, son emplacement, répartition des activités dans le voisinage, moyens de transport…

– Les prix couramment pratiqués dans le voisinage : idéalement par comparaison à des locaux équivalents.

La mise en œuvre de ces critères peut être complexe, et il est conseillé aux parties au bail (ensemble ou séparément) de faire appel à un expert immobilier qui rédigera un rapport détaillé pour donner son avis sur la valeur locative des locaux.

Cette démarche ne peut néanmoins pas intervenir à tout moment, et il convient de distinguer si le bail est actuellement en cours, ou s’il est arrivé à son terme.

En cours de bail : la révision du loyer

De manière générale, dans la plupart des baux commerciaux, il faut retenir que le montant du loyer peut toujours être révisé à la demande d’une partie, en attendant trois ans minimum depuis l’application du dernier loyer. Cette révision dite légale est un principe d’ordre public auquel on ne peut déroger dans le bail.

Il est recommandé au bailleur qui souhaite mettre en œuvre une telle révision de vérifier les échéances triennales, car la révision ne prend effet qu’à la date de la demande. Il n’est pas possible de récupérer un éventuel arriéré à ce titre.

La variation du montant du loyer par le jeu de la révision légale est encadrée par l’application d’un indice : l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT).

Le montant du loyer révisé sera ainsi : soit le loyer réindexé selon l’indice applicable (à la hausse ou à la baisse), soit la valeur locative lorsque celle-ci se situe entre le loyer en cours et le loyer résultant de la variation de l’indice, cette deuxième hypothèse étant prioritaire sur la première.

En dehors de cette révision légale, il peut être prévu dans le bail une clause de révision automatique du loyer, appelée clause d’échelle mobile. Cette clause est plutôt favorable au bailleur, puisqu’elle permet de continuer à faire application de l’indice du coût de la construction (ICC), alors que cet indice est désormais interdit dans le cadre de la révision légale. Le bailleur peut ainsi faire varier le loyer annuellement et automatiquement, sans démarche particulière. Il est même autorisé à réclamer au preneur le paiement du loyer complémentaire sur les cinq dernières années lorsqu’il n’a pas appliqué la révision en temps voulu.

Que l’on soit dans le cadre d’une révision légale triennale, ou d’une révision automatique grâce à une clause d’échelle mobile, il demeure, dans certains cas, possible de sortir du carcan de l’application des indices pour faire coïncider le montant du loyer à la valeur locative (à la hausse ou à la baisse).

Il s’agit des situations suivantes : lorsque par l’effet de la clause d’échelle mobile, le loyer subit une évolution de plus de 25 % au cours du bail, ou en présence d’une clause de révision triennale, lorsqu’il y a une modification des facteurs locaux de commercialité en cours de bail ayant entraîné une variation de plus de 10 % du montant du loyer.

Dans ces deux hypothèses de déplafonnement du loyer en cours de bail, lorsque le montant du loyer est augmenté pour être fixé à la valeur locative, l’augmentation demeure encadrée, car elle doit être lissée à 10 % par an du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

En cas de désaccord entre le preneur et le bailleur sur la valeur locative, il reviendra à la partie qui y a intérêt, de saisir le juge des loyers commerciaux (le bailleur si la valeur locative engendre une augmentation du loyer au-delà du plafond, le preneur si la valeur locative engendre une baisse du loyer).

En fin de bail : la fixation du loyer renouvelé

Dans la plupart des cas, lorsque le bail commercial arrive à son terme des neuf ans, il se poursuit en tacite prolongation si le bailleur n’a pas donné congé ou si le preneur n’a pas demandé le renouvellement. En tacite prolongation, le montant du loyer et plus généralement l’ensemble des clauses du contrat du bail continuent de produire effet.

Lorsque le renouvellement a été demandé par le preneur ou proposé par le bailleur, le montant du loyer doit normalement correspondre à la valeur locative. La diminution du loyer peut être demandée par le preneur, sans condition, pour qu’il corresponde à la valeur locative. En revanche, l’augmentation du loyer du bail renouvelé est encadrée et plafonnée par l’application de l’indice en vigueur dans le bail.

Il demeure certaines hypothèses dans lesquelles le plafonnement ne s’applique pas, et le loyer peut alors être plus librement augmenté pour le fixer à la valeur locative :

Lorsqu’est survenu au moins l’un des motifs notables de déplafonnement au cours de la durée du bail, à savoir : la modification des caractéristiques des locaux, la modification de la destination des lieux, la modification des obligations des parties (exemple : modification du loyer en cours de bail, augmentation de la taxe foncière), la modification des facteurs locaux de commercialité ayant un intérêt pour le commerce exercé et ayant entraîné l’apparition d’un flux de chalands complémentaire (exemple : évolution de la population, statistiques de permis de construire, fréquentation des gares, créations de parkings, développement du tourisme ou des zones piétonnes, évolution de la fiscalité, changement d’enseignes…). La comparaison avec les loyers du voisinage ne peut en revanche constituer un motif de déplafonnement.

Le plafonnement est également exclu pour les baux sur terrains nus, locaux monovalents et locaux à usage exclusif de bureaux, pour les baux d’une durée contractuelle supérieure à neuf ans, en application d’une clause contraire négociée par les parties, ou enfin pour les baux en tacite prolongation d’une durée de plus de douze ans à compter de la date de prise d’effet du dernier bail.

Cette dernière hypothèse emporte la nécessité, tant pour le preneur que pour le bailleur, d’être vigilants sur la fin du bail. Le bailleur peut avoir intérêt à ne pas délivrer de congé avec offre de renouvellement à son preneur, en espérant pouvoir déplafonner le montant du loyer trois ans et demi plus tard, si la valeur locative est supérieure au montant du loyer plafonné. À l’inverse, le preneur a tout intérêt à adresser au bailleur une demande de renouvellement, afin de mettre un terme à la tacite prolongation. Ces décisions doivent être appréciées au cas par cas.

Lorsque le loyer est déplafonné, l’augmentation demeure encadrée, car l’augmentation doit être lissée à 10 % par an du loyer acquitté au cours de l’année précédente, sauf en cas de clause expresse contraire, en cas de durée effective du bail supérieure à douze ans ou en cas de destination du bail assimilable à une activité de bureaux.

Vous l’aurez compris, la modification du loyer commercial est un sujet qui ne laisse pas place à l’approximation, tant sur le plan juridique qu’économique. Son impact financier majeur, tant pour le preneur que pour le bailleur, implique donc une attention répétée tout au long du bail.

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