La faute inexcusable de l'employeur

Me Sylvie Morardet-Vallet / Le droit à indemnisation des travailleurs victimes d’un accident du travail est né, il y a fort longtemps, avec la loi du 9 avril 1898 qui a créé un système de réparation spécifique permettant aux travailleurs d’être indemnisés sans avoir à prouver la faute de leur employeur.

Il s’agit là d’une réparation forfaitaire qui interdit tout recours de la victime ou de ses ayants droit contre l’employeur ou ses préposés à l’exception de trois cas dans lesquels le travailleur peut agir selon le droit commun contre son employeur lorsque ce dernier est responsable :

– De l’accident de trajet dont a été victime le salarié,

– De l’accident de travail lorsque celui-ci est en même temps un accident de la circulation qui survient sur une voie ouverte à la circulation publique et implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l’employeur ou un préposé,

– De l’accident survenu en raison de la faute intentionnelle commise par l’employeur ou l’un de ses préposés ce qui suppose un acte volontaire accompli avec l’intention de causer des lésions corporelles.

Il existe également une autre action dont dispose le salarié contre son employeur, si ce dernier ou la personne qu’il s’est substitué dans la direction de l’entreprise, commet une faute inexcusable laquelle est régie par les articles L 452-1 – L 4121-1 et L 4121-2 du Code de la sécurité sociale.

Cette action n’est donc pas exercée selon les règles du droit commun de la responsabilité civile mais sur le fondement des dispositions du code de la sécurité sociale.

Définition de la faute inexcusable

La faute inexcusable de l’employeur est définie à l’article L 452-1 du Code de la sécurité sociale comme suit : « Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. »

En effet, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés et assurer leur sécurité. À ce titre, il doit mener des actions de prévention, d’information et de formation.

Ces mesures tendent également à la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés sur le fondement des principes généraux de la prévention en droit du travail, savoir : éviter les risques ; les évaluer ; adapter le travail à l’homme ; tenir compte de l’évolution de la technique, planifier la prévention ; donner les instructions appropriées.

En cas de non-respect de ces règles élémentaires dont il ne peut s’affranchir, l’employeur s’expose à des sanctions tant civiles que pénales.

Enfin, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié, il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour, que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

L’objet de l’action

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a pour objet d’améliorer l’indemnisation forfaitaire dont bénéficie la victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle. Ce qui va se traduire par une indemnisation complémentaire au bénéfice de la victime, laquelle prend deux formes :

– Une majoration du capital alloué ou de la rente versée par la caisse primaire d’assurance maladie

– La victime peut également demander à la juridiction de sécurité sociale la réparation des préjudices énumérés à l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale, soit les préjudices causés par les souffrances physiques et morales endurées, les préjudices esthétiques et d’agrément et les préjudices résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotions professionnelles

La Cour de cassation a complété cette liste avec les postes de préjudices suivants : les frais d’aménagement d’un véhicule adapté en raison du handicap ; les frais d’aménagement du logement en raison du handicap ; le préjudice sexuel ; le déficit fonctionnel temporaire (incapacité fonctionnelle et perte de qualité de vie avant la consolidation) ; le besoin d’assistance par une tierce personne avant consolidation et le déficit fonctionnel permanent.

Ainsi la caisse primaire d’assurance maladie fait l’avance des sommes auprès de la victime et, les récupère ensuite auprès de l’employeur.

La mise en œuvre de l’action

La victime saisit la caisse primaire d’assurance maladie d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable laquelle a la faculté de la convoquer ainsi que l’employeur à une réunion de conciliation.

Il convient de préciser à ce stade que cette tentative de conciliation n’est toutefois pas obligatoire mais fortement recommandée.

À l’issue de cette phase amiable, un procès-verbal est établi par la caisse, soit :

– Un procès-verbal de carence (si une des deux parties ne se présente pas)

– Un procès-verbal de non-conciliation (si aucun accord n’a pu être signé entre les parties)

– Un procès-verbal de conciliation (lorsqu’un accord a pu être régularisé entre les parties)

En cas d’échec, c’est-à-dire dans les deux premières hypothèses précitées, la victime ou ses ayants droit n’auront d’autre choix que celui de saisir la juridiction de sécurité sociale ce qui marquera le début de la phase contentieuse.

Le tribunal est saisi par voie de requête remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception.

Dans sa forme la plus simple, la procédure en reconnaissance d’une faute inexcusable met en présence la victime ou ses ayants droit, l’employeur de la victime et la caisse primaire d’assurance maladie.

D’autres acteurs peuvent être concernés par cette procédure, tels l’assureur de l’employeur lequel pourra intervenir volontairement à l’instance ou être appelé dans la cause.

Il s’agit d’un contentieux technique pour lequel l’assistance d’un avocat est vivement conseillée voire indispensable.

Rappelons encore qu’il n’y a pas de corrélation entre la faute pénale et la faute inexcusable de l’employeur.

En effet, en cas de relaxe au pénal du chef d’entreprise, cela n’interdit en rien au juge du contentieux de la sécurité sociale de retenir la faute inexcusable à son encontre.

Spécificités du travail temporaire

L’entreprise de travail temporaire, employeur du salarié au sens juridique du terme, est responsable des manquements commis par l’entreprise utilisatrice au sein de laquelle il a mis son salarié à disposition et peut voir sa faute inexcusable reconnue à ce titre.

La prescription de l’action

En la matière, la prescription est de deux ans et court à compter soit :

– Du jour de l’accident et de la constatation de la maladie professionnelle,

– De la cessation du travail,

– Du jour de la clôture de l’enquête,

– Du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières,

– Du jour de la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

Nouvelles évolutions

Le législateur, toujours plus soucieux d’améliorer la protection et la sécurité des travailleurs, ne cesse d’imposer de plus en plus d’obligations aux employeurs.

Il en est ainsi du décret du 9 juin 2023 (décret N° 2023-452) entré en vigueur le 12 juin suivant qui a introduit l’article R 4121-5 du Code du travail lequel impose une obligation d’information de l’inspection du travail en matière d’accident du travail mortel et crée une sanction pénale pour le non-respect de cette obligation, une contravention de cinquième classe (amende de 1 500 euros).

L’employeur doit informer l’agent de contrôle de l’inspection du travail au plus tard dans les douze heures qui suivent le décès du travailleur.

À l’instar du législateur, la Cour de cassation tend à élargir le champ de l’indemnisation du salarié en lui permettant de demander réparation sur le fondement de nouveaux postes de préjudices tels le préjudice d’anxiété ou encore l’exposition à une substance toxique (Cassation sociale arrêt du 8 février 2023 – N° 20-23.312 et 21-14451).

L’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés et assurer leur sécurité.

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