Véhicule détérioré par un transporteur : comment réagir ?

Me Vincent Berlioux / Depuis la crise sanitaire du Covid-19, les ventes et livraisons à distance ont explosé, y compris pour les véhicules. Or, en cas de sinistre lié au transport, des règles juridiques assez peu connues s’appliquent. Retour donc sur ce régime singulier.

Dans le domaine du transport de véhicules, trois acteurs sont systématiquement présents : le vendeur, le transporteur et le client.

Juridiquement, le législateur les désigne ainsi : l’expéditeur pour le vendeur, le voiturier pour le transporteur et le destinataire pour le client. Or, le simple fait d’utiliser le terme de « voiturier » permet de comprendre que le régime juridique entourant les marchandises transportées n’est plus tout jeune. Et pour cause, c’est la jurisprudence, c’est-à-dire les décisions rendues par les différentes juridictions françaises, qui ont affiné et précisé ce régime au fil du temps.

Les obligations du transporteur

Le transporteur étant au centre de tout contrat de transport, il est logique que l’article L133-1 du Code de commerce s’intéresse à lui en premier. En l’occurrence, cette disposition expose que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter ou des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose.

Par vice propre de la chose, la jurisprudence interprète cette notion assez strictement. À titre d’exemple, la Cour de cassation considère, depuis de nombreuses années déjà, que ni le défaut d’emballage, ni la fragilité de l’objet transporté ne constituent par eux-mêmes un vice propre de la chose (Civ. 27 décembre 1909). Dans la pratique, cela signifie donc que le transporteur devra prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter d’endommager le véhicule. À défaut, sa responsabilité sera engagée et la jurisprudence précise même qu’il ne pourra s’exonérer de sa responsabilité en invoquant, par exemple, l’assurance contractée par l’expéditeur (Civ. 13 mai 1924). En revanche, il est utile de souligner qu’en matière de contrat de location d’un véhicule, le loueur n’aura pas à répondre des objets transportés (Civ. 13 mai 1924, CA Grenoble, 3 février 1954).

En toute hypothèse, à partir du moment où la chose est détériorée ou perdue du fait du voiturier, une action en responsabilité pourra être engagée par l’expéditeur ou le destinataire à son encontre et celle-ci sera de nature contractuelle.

C’est la raison pour laquelle le moment de la réception constitue une étape clé qui déterminera la stratégie à adopter.

La réception du véhicule

Bien souvent, l’enthousiasme du client à la vue du véhicule commandé l’amène à négliger la phase de réception en omettant un examen minutieux de celui-ci. Et s’il remarque des anomalies, il peut croire qu’il disposera de tout le temps nécessaire pour formuler des observations et ainsi, trouver une solution plus tard. Or, la réalité est malheureusement bien plus sévère.

En effet, à la lecture de l’article L.133-3 du Code de commerce, celui-ci dispose que : « La réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle, si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de cette réception, le destinataire n’a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée. Si dans le délai ci-dessus prévu, il est formé une demande d’expertise en application de l’article L. 133-4, cette demande vaut protestation sans qu’il soit nécessaire de procéder comme il est dit au premier alinéa ».

Concrètement, cela signifie que le destinataire devra, dans un délai de trois jours au maximum, soit adresser un courrier recommandé de protestation, soit enclencher une expertise judiciaire (l’expertise amiable contradictoire n’étant pas suffisante aux yeux d’un juge). À défaut, toute action sera déclarée irrecevable et le client sera réputé avoir accepté le véhicule sous tous ses aspects.

Attention : la jurisprudence considère que cette disposition concerne les dommages apparents, mais également les dommages non apparents. Il convient donc d’être particulièrement vigilant et d’essayer au moins de faire démarrer le véhicule livré, car un remorquage effectué en dehors des règles de l’art peut à lui seul générer des avaries lourdes, notamment sur la transmission.

Également, il est fortement recommandé, dans la mesure du possible, de choisir une livraison en journée afin de pouvoir inspecter le véhicule sous toutes ses coutures.

Petite nuance toutefois s’agissant du délai de trois jours précité, la Cour de cassation a mis en place une soupape de sécurité en précisant que si le véhicule n’était pas livré au terme convenu ou que celui-ci était perdu, ce délai ne s’appliquera pas. Par exemple : si une livraison était prévue pour le 25 avril, mais que pour une raison quelconque, le véhicule n’est pas livré à cette date, l’absence de protestations du client dans les trois jours qui auront suivi n’entraînera pas, une « acceptation » de la non-livraison pour ce dernier.

De même, il est important de noter que ce délai existe seulement dans les rapports entre le voiturier et le destinataire, mais n’aura pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre le fournisseur et le destinataire.

Dès lors, afin d’éviter de perdre bêtement une possibilité d’exercer un recours, il est vivement conseiller aux destinataires d’exercer un droit de vérification intégral, avant de procéder à la réception du véhicule.

Les délais d’action

Comme vu précédemment, lorsqu’une avarie, une perte ou un retard est à déplorer sur le véhicule livré, le destinataire peut se retourner contre le voiturier et/ou l’expéditeur.

Cependant, l’article L. 133-6 impose un délai d’action très court, un an : « Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d’un an, sans préjudice des cas de fraude ou d’infidélité. Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l’expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l’article 1269 du Code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d’un an ».

Ce délai commence à courir, dans le cas d’une perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise a été remise. Il convient ainsi d’être attentif, car ce délai d’un an est applicable pour toute action relative au contrat de transport : paiement des dégâts survenus sur le véhicule, règlement du prix du transport…

Le seul moyen qui permet d’outrepasser ce délai est de démontrer l’existence d’une fraude ou d’une infidélité. À cet égard, et même s’il n’existe aucune définition légale, la cour d’appel de Paris a expliqué dans l’une de ses décisions que les notions de « fraude et d’infidélité » sous-entendaient « une volonté malveillante tendant à dissimuler le préjudice causé à l’expéditeur ou au destinataire ou à induire en erreur ceux-ci afin de paralyser toute action en justice ou demande indemnitaire »,  (CA Paris, 6 octobre 2004, n° 02/16370). En d’autres termes, il s’agit du comportement qui met une partie dans l’impossibilité de faire valoir ses droits en temps utile.

Par ailleurs, il existe un délai encore plus restrictif en cas d’action récursoire, c’est-à-dire lorsqu’une partie, par exemple le voiturier, souhaite appeler en cause une autre partie, par exemple l’expéditeur. Celui-ci sera d’un mois et commence à courir au jour de l’exercice de l’action contre le garanti, ce qui, dans la pratique, correspond à la date figurant sur l’acte d’assignation signifié.

Il est donc impératif, pour chaque problématique de livraison de véhicule, de bien identifier les différents intervenants, d’analyser la manière dont la réception a eu lieu et de vérifier les délais applicables pour enclencher la bonne action dans le bon délai et espérer obtenir gain de cause devant un tribunal.

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