La location meublée est-elle encore fiscalement intéressante ?

Me Anne Pryzbyl / La fiscalité est un outil qui permet d’influencer sur les comportements des individus. Le projet de réforme de la location meublée le démontre. En 2024, ce sujet a fait et fera encore couler beaucoup d’encre, tant il est sous les feux de l’actualité.

La location meublée s’est fortement développée en raison de son régime fiscal attractif et de son « uberisation ». Aujourd’hui, on peut très facilement louer son bien en meublé en recourant aux plateformes numériques dédiées ; ce qui augmente la possibilité de rentabiliser au maximum son bien dont la location est faiblement imposée.

La location meublée, une niche fiscale

Il y a location meublée dès lors que le logement loué est garni d’un minimum de meubles permettant son occupation immédiate par un locataire. La location meublée, qu’elle soit occasionnelle ou habituelle, est considérée du point de vue fiscal comme une activité commerciale. Cette qualification entraîne la taxation à l’impôt sur le revenu des loyers d’un meublé sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et non sous le régime des revenus fonciers.
Les loyers d’un bien meublé sont taxés au BIC sous déduction :
– des charges retenues pour leur montant réel (recettes supérieures à 77 700 euros ou option),
– ou d’un abattement forfaitaire réputé tenir compte de l’ensemble des charges (recettes inférieures à 77 700 euros).
C’est ce que recouvre la distinction faite entre BIC au réel/micro-BIC (forfait).
Le régime BIC présente deux avantages notables.

Premier avantage fiscal : il permet de déduire pour le calcul du résultat taxable :
– au BIC au réel, l’amortissement de la construction (hors terrain) et ce, sur plusieurs années (ce qui impose la tenue d’une comptabilité),
– en micro-BIC, un abattement de 50 % représentatif des charges (ce qui allège les obligations comptables). Cet abattement peut monter, sous conditions, jusqu’à 71 % voire 92 % pour un meublé classé résidence de tourisme en zone tendue.
Le régime BIC du meublé (réel ou micro) est donc beaucoup plus intéressant que la location nue, taxable sous le régime des revenus fonciers caractérisé au réel, par l’impossibilité de constater un amortissement (sauf dispositif particulier) ou en micro, par un abattement réduit à 30 %.

En conséquence, le résultat BIC peut se retrouver proche ou égal à 0, de sorte qu’il y aura peu ou pas d’impôt à payer sur les loyers du meublé. Le loueur aura la capacité de dégager des liquidités et de rembourser l’emprunt éventuel qu’il aura contracté pour acquérir son bien.

Deuxième avantage fiscal : en cas de revente du bien, la plus-value est calculée selon le régime favorable des plus-values immobilières des particuliers.
D’une part, le montant de la plus-value éventuelle n’est pas impacté par la déduction des amortissements dont le contribuable a pu bénéficier. En effet, on n’applique pas en location meublée le régime des plus-values professionnelles sous lequel l’amortissement déduit vient mécaniquement augmenter le montant de la plus-value taxable.
D’autre part, est applicable un abattement pour durée de détention qui va effacer progressivement le montant de plus-value taxable.
C’est ainsi qu’en BIC, on peut se retrouver en situation de gagner à la fois le beurre (loyers peu taxés) et l’argent du beurre (plus-value à la revente faiblement imposée) !
Certains autres avantages fiscaux de la location meublée ont déjà été supprimés par le législateur qui a considéré que le caractère patrimonial de l’activité de location l’emportait sur sa qualification commerciale :
– les biens loués en meublé ne peuvent pas bénéficier de l’exclusion de l’impôt sur la fortune immobilière au titre de l’outil professionnel ;
– ils ne sont pas éligibles à l’exonération partielle des droits de donation ou de succession dans le cadre d’une transmission sous pacte Dutreil ;
– la location meublée n’est pas considérée comme un remploi dans une activité économique permettant, dans le cadre de l’apport-cession d’une entreprise, le maintien du report d’imposition de la plus-value d’apport ;
– enfin, certaines locations meublées qui s’accompagnent de prestations parahôtelières sont obligatoirement soumises à TVA.

La nécessaire réforme de la location meublée

L’inégalité de traitement fiscal entre la location nue et la location meublée est difficilement justifiable et une harmonisation de la fiscalité est souhaitée. En outre, entre les divers impôts (IR, IFI, droits de donation/succession, TVA), il n’y a pas de traitement cohérent de la location meublée. Une réforme plus globale de la fiscalité de la location meublée est donc attendue.
En outre, la location meublée touristique fait une concurrence féroce au secteur hôtelier qui trouve ce régime déloyal, comme cela a pu être constaté lors de la tenue des Jeux olympiques à Paris.
Enfin, de plus en plus de logements ont basculé en location meublée de courte durée du fait de sa forte rentabilité. Cela a entraîné une baisse importante et préoccupante de l’offre de logements à la location de longue durée.
C’est surtout pour régler le problème de l’accès au logement qu’il y a une volonté très forte des pouvoirs publics de s’attaquer à la location meublée, par tous moyens et notamment par la refonte de sa fiscalité.

Un essai bientôt transformé ?

La loi de finances pour 2024, votée en décembre 2023, a fait une première tentative d’alignement du régime micro-BIC sur le micro-foncier (hors meublés classés et chambres d’hôtes). Ainsi, elle a :
– ramené à 15 000 euros (contre 77 700 euros avant) le seuil de recettes pour bénéficier du micro-BIC ;
– et réduit l’abattement de 50 % à 30 %.
Ce changement a bien failli s’appliquer rétroactivement dès la déclaration en 2024 des revenus 2023. Cela aurait impliqué pour les contribuables sortant du régime du micro-BIC du fait du nouveau seuil de reconstituer a posteriori une comptabilité pour déterminer leur revenu taxable au réel, ce qui était difficilement gérable.
C’est pour cette raison que le caractère rétroactif de la mesure a été contré par l’administration fiscale qui a indiqué, dans sa doctrine administrative, que la mesure ne s’appliquerait qu’à compter des revenus 2024 (à déclarer en 2025).
Mais cette doctrine administrative a finalement été invalidée par le Conseil d’État le 8 juillet dernier. Si les commentaires administratifs viennent donc d’être annulés, cela ne remet pas en cause les déclarations des revenus 2023 en raison du principe de l’opposabilité de la doctrine administrative.
Par ailleurs, une proposition de loi visant à renforcer les outils entre les mains des élus locaux pour encadrer la location meublée touristique était en cours de discussion au Parlement, au moment de la dissolution en juin de l’Assemblée nationale. On aurait pu penser que le sujet allait alors passer au second plan. Mais il est vite revenu sur le devant de la scène politique, avec notamment la publication le 15 juillet dernier sur le site gouvernement d’un nouveau rapport sur le sujet. La location meublée fait donc de nouveau l’actualité, d’autant plus que sa réforme permettrait de renflouer les caisses de l’État !

Les questions restent alors ouvertes :
– sur la forme, la location meublée fera-t-elle l’objet d’un texte spécifique mis au vote à la rentrée parlementaire ou ne sera-t-elle traitée que lors de la prochaine loi de finances ?
– sur le fond, si on s’attend à une nouvelle mouture du régime micro-BIC, il est aussi prévu de revoir la question de l’amortissement du bien.
– Y aura-t-il une disparition progressive de l’amortissement ?
– Pour le calcul de la plus-value de revente du bien, sera-t-il décidé une réintégration des amortissements qui auront pu être déduits ?
La certitude est que le régime va être réformé en profondeur, mais nous n’en connaissons pas encore les contours précis. Aussi, la location meublée va nécessairement être moins fiscalement intéressante et ce, dans le but premier d’offrir aux maires un nouvel outil de lutte contre le phénomène Airbnb et la crise du logement locatif.

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