Appel à projets : mode d'emploi

Me Grégory Mollion / Depuis plusieurs années, l’appel à projets est un dispositif qui a le vent en poupe. Beaucoup de projets communaux ou intercommunaux passent en effet par ce mécanisme, paradoxalement beaucoup utilisé mais peu encadré sur le plan juridique. L’objectif de cet article est d’en clarifier les éléments de définition et son régime juridique.

L’appel à projets consiste pour une collectivité territoriale à engager une procédure pour susciter des initiatives de tiers intéressés dans un certain objectif, à sélectionner la meilleure proposition et à lui apporter un soutien, qui peut être une subvention, la cession d’un bien à titre onéreux, l’attribution d’un contrat d’occupation ou d’une autorisation d’urbanisme.

D’un point de vue sémantique, et pour bien définir un appel à projets, il convient de le distinguer de certains de ses « homologues ».

On parle parfois en effet, à tort ou à raison, d’appel à projets comme d’appel à manifestation d’intérêt. Pour faire simple quand ce ne l’est pas, on assimile souvent l’appel à projets à l’appel à manifestation d’intérêt, ce qui n’est pas interdit car parfois synonyme.

Pour autant, il conviendrait d’éviter l’appellation AMI, car cette notion existe à la fois dans le Code de la propriété des personnes publiques en présence d’une sollicitation d’une collectivité territoriale pour une occupation du domaine public, et dans le Code de la commande publique, lorsqu’il s’agit de réaliser un avis de pré-information (par un avis de pré-information valant avis de publicité, l’acheteur invite les candidats à manifester leur intérêt pour le marché identifié dans l’avis. Une fois l’acheteur prêt à engager la procédure de sélection, il demande aux candidats ayant manifesté leur intérêt de le confirmer par la remise d’une candidature).

Pour éviter toute confusion, le plus simple est donc de faire usage de la formule de l’appel à projets.

Pourquoi utiliser l’appel à projets ?

Le recours à la procédure d’appel à projets conduit à la signature d’un certain nombre d’actes qui ne relèvent pas d’autres législations, telles que les marchés publics, les concessions ou encore les conventions d’occupation du domaine public. En revanche, il permet de signer d’autres contrats comme un bail commercial, un bail emphytéotique, un bail à construction ou une location-gérance. Il permet aussi de vendre des biens, soit par une vente pure et simple, soit par une vente avec charges, incluant des contreparties exigées par la collectivité
vendeuse.

L’utilité de l’appel à projets dans ces différents cas réside dans le fait que l’on procède à une forme de mise en concurrence et d’ouverture à la concurrence, plutôt que de passer par la seule voie confidentielle du gré à gré.

Pour la plupart des contrats précités, il n’y a en effet pas d’obligation de procéder à une quelconque mise en concurrence (en tout cas, pour le juge français – CE 2 déc. 2022, M. D c/ Commune de Biarritz et Société Socomix, n° 460100 – car le juge européen considère à l’inverse que la plupart des contrats précités doivent relever d’un minimum de mise en concurrence – CJUE 14 juillet 2016, Promoimpresa).

Une proximité à risque avec les contrats de la commande publique

L’utilisation de l’appel à projets est donc particulièrement souple et particulièrement simple, tant qu’elle n’entre pas dans le périmètre du droit de la commande publique. En effet, comme évoqué ci-dessus, le marché public ou la concession relèvent de ce Code et obéissent à des procédures très spéciales et bien connues. L’appel à projets n’en fait pas partie, mais il existe des situations dans lesquelles le dispositif s’approche dangereusement des contrats de la commande publique en raison du montage choisi par la collectivité.

Dans un tel cas, le juge administratif serait en mesure de requalifier l’appel à projets et le contrat qui en découle de procédure de commande publique et de contrat de la commande publique, le plus souvent un marché public (par exemple, à propos d’une requalification d’un bail emphytéotique en marché public : CE, 7et 2e chambres réunies, 03/04/2024, 472476).

Il convient à tout prix d’éviter cette requalification, car si elle est reconnue, elle aboutirait à une forme d’infraction pénale consistant à passer un contrat de la commande publique sans respecter le Code de la commande publique (en ayant passé en l’occurrence un appel à projets). Ne pas faire application du Code de la commande publique peut en effet relever du délit de favoritisme.

Comment distinguer les contrats passés par un appel à projets des contrats de la commande publique ?

Le juge a retenu essentiellement deux critères qui permettent de les distinguer. Ces deux critères doivent être cumulés pour être en présence d’un contrat de la commande publique.

Il s’agit d’abord du caractère onéreux de l’opération pour la personne publique, c’est-à-dire que dans le montage prévu, la collectivité apporterait des financements, renoncerait à une recette, bref, conférerait un avantage financier au porteur de projet.

Il faut noter également que le juge considère que même si la collectivité ne verse pas d’argent, elle peut en tirer un intérêt économique direct dans l’opération suffisant pour caractériser ce premier critère (CJCE 25 mars 2010, C-451/08, Helmut Muller).

On rencontre ce type de sujet dans des opérations de cession avec charges, dans lesquelles la collectivité disposera d’une partie du bien à construire sur sa propriété vendue, par exemple en étant locataire de locaux qui seront à construire, voire en en récupérant une partie en dation.

Le deuxième critère est l’influence de la personne publique dans la définition de son besoin. Dans ce cas, le juge vérifie si la collectivité, qui a passé l’appel à projets, n’a pas exercé une influence dans la définition même du projet.

Cela peut passer par la définition de la future exploitation à réaliser, des conditions de construction d’un bâtiment, des spécifications techniques ou tout autre élément susceptible de montrer que la collectivité a en réalité, non pas sollicité un porteur de projets, mais qu’elle attendait des prestations d’un opérateur pour répondre à son propre besoin. Dans ce cas, évidemment, le juge pourrait requalifier le contrat avec les conséquences sus-évoquées.

Quelles sont les règles de procédure pour engager un appel à projets ?

En réalité, il n’existe pas de règles de procédure, car comme déjà évoqué, l’appel à projets n’est pas encadré par la loi. Si bien que généralement, on s’inspire du Code de la commande publique, mais avec beaucoup plus de souplesse, tant sur les contenus que sur les délais de la procédure.

D’une manière générale, l’appel à projets fait l’objet d’une publication qui n’interviendra pas nécessairement dans les supports de publication des marchés publics. Il convient donc de procéder à la publicité qui paraît la plus pertinente pour la collectivité afin de « toucher » un maximum d’opérateurs potentiels.

La rédaction d’un règlement de la consultation permet de fixer les règles du jeu, voire de soumettre un projet de convention qui n’est pas obligatoire, car cela peut évoluer en cours de consultation.

Une négociation est parfois mise en place, qu’elle soit écrite ou orale, afin de rencontrer les porteurs de projets et de bien cerner les différents moyens de répondre aux objectifs que la collectivité aura définis, et nous parlons bien ici d’objectifs plutôt que de besoins précis, pour ne pas s’exposer aux risques précités.

L’utilisation du dispositif de l’appel à projets est particulièrement souple et simple, tant qu’elle n’entre pas dans le périmètre du droit de la commande publique.

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