L'apprenti, un salarié pas comme les autres…

La forte croissance de l’apprentissage est depuis quelques années soutenue par un système d’aides financières de l’État qui l’ont rendue plus accessible aux petites entreprises, mais qui ont également conduit à certains abus et à certaines dérives.

L’apprenti est un salarié…

Il ne faut en effet pas oublier que l’apprenti est avant tout un salarié, avec les droits et les obligations que cela induit. Ce n’est en aucun cas un stagiaire, ni une force de travail utilisable librement selon le bon vouloir de l’employeur.

Il est donc, comme le reste du personnel de l’entreprise, soumis au Code du travail, aux dispositions de la convention collective ou encore au règlement intérieur de l’entreprise. Il est d’ailleurs soumis au pouvoir disciplinaire de son employeur.

Comme le reste du personnel, il bénéficie de la médecine du travail et doit donc passer les visites légales et notamment une visite d’information et de prévention dans les deux mois suivant le début d’exécution de son contrat et avant ce début s’il est mineur.

Il doit bénéficier de la mutuelle et de la prévoyance applicable au sein de l’entreprise. Il bénéficie d’ailleurs de la portabilité de ses droits à la fin de son contrat de travail.

Aucune discrimination ne peut lui être appliquée et il ne peut pas être exclu des primes « pouvoir d’achat » ou encore de la prime « partage de la valeur ».

Le temps passé en formation théorique au sein du centre de formation est assimilé par la loi à du temps de travail effectif, ce qui entraîne plusieurs conséquences. Une absence durant les heures de formation doit être justifiée auprès de l’employeur, qui a le droit d’opérer une retenue sur salaire ou encore de faire usage de son pouvoir disciplinaire…

L’accident qui survient dans les locaux du centre de formation est un accident du travail avec application du régime de protection attaché à ce type d’accident. L’employeur doit donc établir une déclaration auprès de la CPAM.

Mais si l’apprenti est un salarié,
ce n’est pas un salarié comme les autres…

C’est un salarié en formation. Les missions qui lui sont confiées doivent donc être en lien avec le diplôme préparé. L’article L6223-3 du Code du travail dispose que l’employeur est tenu d’assurer, dans l’entreprise, la formation pratique de l’apprenti. Il doit pour se faire lui confier des missions lui permettant d’exécuter des travaux ou des opérations conformes à une progression annuelle définie par accord entre le centre de formation des apprentis (CFA) et l’entreprise.

Dans le contrat d’apprentissage, l’employeur a donc la double casquette d’employeur, mais également de formateur. Cette obligation est la contrepartie du salaire minoré versé. Le non-respect de cette obligation peut conduire à une rupture anticipée du contrat d’apprentissage ou encore à une interdiction faite à l’entreprise par l’inspection du travail de conclure de nouveaux contrats d’apprentissage.

Légalement, cette formation en entreprise doit être assurée uniquement par le maître d’apprentissage. Pour bénéficier de ce statut, ce dernier doit d’ailleurs répondre à certaines conditions légales en termes de diplômes ou d’expérience professionnelle. Le nombre d’apprentis qu’il peut encadrer est limité à deux.

On peut se demander si cette obligation de formation fait obstacle à ce que l’apprenti puisse exercer ses missions, seul ou en présence d’un autre salarié de l’entreprise. La loi est muette sur ce point ; les tribunaux et la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) semblent avoir des positions légèrement différentes.

En effet, les jurisprudences ont eu à plusieurs reprises l’occasion de trancher ce point. Pour les juridictions, s’il est établi que la formation de l’apprenti est assurée par son maître d’apprentissage (Cour de cassation, chambre sociale, 26 octobre 2022, Pourvoi nº 21-15.642),  ce dernier n’a pas l’obligation d’être en permanence auprès de l’apprenti (Cour d’appel de Nîmes, 5e chambre sociale, arrêt du 27 juin 2023, Répertoire général nº 21/01370). L’apprenti peut donc être amené à effectuer des missions seul ou avec d’autres salariés de l’entreprise.

Tout est toutefois question de dosage et d’appréciation des risques. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que manquait à son obligation de formation, l’employeur qui laissait l’apprenti seul dans son magasin plusieurs demi-journées par semaine (Cour de cassation, civile, chambre sociale, 26 octobre 2016, 15-19.050).

La situation est appréciée avec d’autant plus de sévérité si l’apprenti est mineur ou si l’activité concernée présente un danger. Un manquement à l’obligation de formation justifie l’octroi de dommages et intérêts à l’apprenti.

Le ministère du Travail et les Dreets semblent avoir une position nettement plus sévère envers l’employeur et ils semblent considérer que l’apprenti ne doit jamais travailler seul. Les inspecteurs du travail n’hésitent d’ailleurs pas, dans de telles circonstances, à faire usage des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi et à ordonner la suspension du contrat d’apprentissage, puis sa rupture pour mise en danger de l’apprenti, avec comme sanction pour l’employeur jugé négligent, l’obligation de verser au salarié l’ensemble des salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme de son contrat d’apprentissage. Si de telles décisions demeurent marginales, leur nombre tend à augmenter de manière significative.

L’apprentissage un engagement fort de l’entreprise

L’employeur doit donc bien réfléchir avant de se lancer dans l’aventure de l’apprentissage. Il doit s’assurer qu’il sera en état de respecter ses devoirs et obligations envers l’apprenti, notamment celui de le former et de lui octroyer des missions correspondant au diplôme convoité.

C’est aussi un engagement sur le long terme, avec peu de portes de sortie, puisque passé le délai des 45 premiers jours de présence durant lequel les deux parties peuvent rompre le contrat sans motif, l’employeur ne peut rompre le contrat d’apprentissage que dans des cas très restreints, à savoir : par un accord amiable entre les parties ; pour faute grave du salarié (qui, depuis la réforme, n’a plus à être constatée préalablement par le conseil de prud’hommes), ou encore pour inaptitude et cas de force majeure.

À cet égard, il convient de noter que les dernières réformes ont provoqué un déséquilibre entre les deux parties, puisqu’après la période des 45 jours susvisée, seul l’apprenti peut rompre unilatéralement son contrat, en saisissant le médiateur de l’apprentissage (médiateurs qui sont rattachés, selon l’activité concernée, aux chambres de commerce et d’industrie, d’agriculture ou de métiers) et en informant l’employeur de sa saisine dans un délai de cinq jours calendaires. Le contrat est alors rompu après un délai minimal de sept jours calendaires après l’information de l’employeur, sans concertation entre les parties, sans que l’employeur ne puisse s’y opposer, ni même qu’il soit informé des raisons motivant la rupture.

On peut comprendre l’application de cette procédure exorbitante du droit commun lorsque, dans certains cas exceptionnels, l’apprenti dispose de bonnes raisons de vouloir rompre son contrat et que les règles antérieures étaient alors trop longues et contraignantes. Mais on peut regretter que le médiateur ne puisse jouer pleinement son rôle qui se limite alors à « enregistrer » la demande de rupture. Le médiateur avait pourtant été initialement instauré pour permettre, en cas de difficultés, un dialogue entre les parties, avec une saisine qui pouvait être opérée tant par l’apprenti que son employeur, ou même par le CFA.

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