Les procédures mises en oeuvre par la puissance publique pour les biens "abandonnés"

Me Ludovic Vulliermet / En déshérence, vacants, sans maître ou en l’état d’abandon, l’état de biens, dits dans le langage courant « abandonnés », peut recouvrir de nombreuses situations, de multiples causes et peut être soumis à différentes procédures, conséquences de plusieurs causes distinctes.

Les biens issus des successions en déshérence

Selon l’article 539 du Code civil : « Les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l’État. »

Sans héritier voulant dire : aucun héritier après les collatéraux ordinaires jusqu’au 6e degré et sans aucun légataire institué par testament.

Alors l’État hérite desdits biens successoraux comme le précise l’alinéa 3 du présent article 724 du Code civil disposant ci-dessous : « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt. Les légataires et donataires universels sont saisis dans les conditions prévues au titre II du présent livre. À leur défaut, la succession est acquise à l’État, qui doit se faire envoyer en possession. »

Les biens issus des successions vacantes

Selon l’article 809 du Code civil : « La succession est vacante :

1° Lorsqu’il ne se présente personne pour réclamer la succession et qu’il n’y a pas d’héritier connu ;

2° Lorsque tous les héritiers connus ont renoncé à la succession ;

3° Lorsque, après l’expiration d’un délai de six mois depuis l’ouverture de la succession, les héritiers connus n’ont pas opté, de manière tacite ou expresse. »

C’est le cas de succession ou des héritiers existeraient mais n’appréhendent pas la succession. »

Dans ce cas l’article 809-1 du Code civil nous précise : «Le juge, saisi sur requête de tout créancier, de toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine, d’un notaire, de toute autre personne intéressée ou du ministère public, confie la curatelle de la succession vacante, dont le régime est défini à la présente section, à l’autorité administrative chargée du domaine. L’ordonnance de curatelle fait l’objet d’une publicité… »

L’administration fiscale dite des Domaines prend donc la main.

Les biens dits « sans maître »

La loi du 13 août 2004, codifiée à la fois dans le Code civil (soit le Code de la propriété privée) et dans le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), soit le Code de la propriété publique, traitant du statut des domaines publics et domaines privés des collectivités locales, a été modifiée par la loi du 21 février 2022. Elle a accordé une nouvelle prérogative de puissance publique aux communes en matière de maîtrise foncière.

L’objet fondamental du nouveau dispositif est la modification de l’article 713 du Code civil consistant à prévoir que les biens qui n’ont pas de maître reviennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés :

Article 713 du Code civil : «  Les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Par délibération du conseil municipal, la commune peut renoncer à exercer ses droits, sur tout ou partie de son territoire, au profit de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre. Les biens sans maître sont alors réputés appartenir à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre renonce à exercer ses droits, la propriété est transférée de plein droit :

1° Pour les biens situés dans les zones définies à l’article L. 322-1 du code de l’environnement, au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres lorsqu’il en fait la demande ou, à défaut, au conservatoire régional d’espaces naturels agréé au titre de l’article L. 414-11 du même code lorsqu’il en fait la demande ou, à défaut, à l’État ;

2° Pour les autres biens, après accord du représentant de l’État dans la région, au conservatoire régional d’espaces naturels agréé au titre du même article L. 414-11 lorsqu’il en fait la demande ou, à défaut, à l’État. ».

L’article L 1123-1 du CGPPP modifié par la Loi du 29 décembre 2023 dispose clairement :

Selon l’Article L 1123-1 CGPPP :

« Sont considérés comme n’ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l’article L. 1122-1 et qui :

1° Soit font partie d’une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté. Ce délai est ramené à dix ans lorsque les biens se situent dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3 du code de l’urbanisme ou d’une opération de revitalisation de territoire au sens de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation, dans une zone France ruralités revitalisation mentionnée aux II et III de l’article 44 quindecies A du Code général des impôts ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville au sens de l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ; la présente phrase ne fait pas obstacle à l’application des règles de droit civil relatives à la prescription ;

2° Soit sont des immeubles qui n’ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans les taxes foncières n’ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers. Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application des règles de droit civil relatives à la prescription ;

3° (Abrogé). »

Le premier alinéa vise donc les biens issus des « Successions en déshérence » non appréhendées par l’État ainsi que ceux issus des « Successions vacantes » non gérées par l’État.

Ces biens ont donc la plupart du temps une origine successorale, mais l’État s’en est désintéressé expressément ou tacitement, n’ayant plus de propriétaire, ces biens sont alors qualifiés de « sans maître ».

Les biens en état d’abandon manifeste

Certes, les procédures, permettant à une commune de contraindre un propriétaire à lui céder son immeuble, sont strictement encadrées par les textes en raison de l’atteinte portée au droit fondamental qu’est le droit de propriété (par exemple, la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique).

Au nombre des procédures dites « de contrainte », on trouve également la procédure d’appréhension des biens sans maître exposée ci-dessus et la procédure plus spécifique d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste :

Le Code général des collectivité locales (CGCT) », en ses articles L 2243-1 et suivants disposent : « Lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d’immeubles, voies privées assorties d’une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d’abandon manifeste ».

Cette procédure ne peut être mise en œuvre qu’à des fins précises, à savoir :

– La réalisation d’une opération d’aménagement visée à l’article L. 300-4 du Code de l’urbanisme,

– La construction ou la réhabilitation aux fins d’habitat, ou encore tout objet d’intérêt collectif relevant d’une opération de restauration, de rénovation ou d’aménagement selon l’article L. 2243-3 du Code général des collectivités territoriales.

Elle ne peut par ailleurs porter que sur les immeubles, et non sur les objets mobiliers.

La prescription acquisitive par la puissance publique : quand la possession vaut titre !

Après plusieurs années de débats doctrinaux, parlementaires, et jurisprudentiels, il est désormais acquis que l’État ou les collectivités territoriales, puissent prescrire par possession soit devenir propriétaire par le jeu de l’article 2258 du Code civil lequel disposant : « La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. »

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