All we imagine as light, un monde sans hommes

All We Imagine as Light
De Payal Kapadia Avec Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam

sortie nationale : Mercredi 2 octobre 2024

21th Century women  / Chronique lumineuse du quotidien de deux femmes dans l’Inde contemporaine, soutenue par un vrai regard de cinéaste qui s’affirme. Grand Prix au dernier festival de Cannes. 

En 2021, Payal Kapadia se révélait avec son documentaire Toute une nuit sans savoir. Ce journal intime filmique, construit par collages et fragments, mêlait et multipliait les sources d’images et de sons. Derrière sa nature parfois proche de « l’exercice », un regard jeune, féminin et « inhabituel » dans le cinéma indien était palpable. Loin de la nostalgie, à rebours des traditions exhibées et stylisées avec davantage d’outrance que d’ironie chez ses homologues masculins les plus en vue (S.S. Rajamouli notamment), se dessinait une vision moderne et politique. En comparaison à ce coup d’essai, All we imagine as light, son passage à la fiction (salué du Grand Prix au festival de Cannes), constitue autant un prolongement direct qu’une évolution réelle.

Je, tu, elles

Dans ses premières images, Mumbai apparaît comme le premier personnage féminin d’un récit composé de micro-intrigues plurielles. Des voix-off introspectives accompagnent des travellings latéraux, révélant une métropole nocturne et foisonnante. Cet élan initial superpose mouvement de caméra et déplacement à l’intérieur du cadre. Il affirme un goût de la stylisation épurée qui n’est pas sans rappeler au cinéma d’Hou Hsiao-hsien (Poussières dans le vent et Millenium Mambo en tête). 

Écrin inspiré pour une chronique articulée autour du quotidien de deux femmes de la ville, de deux générations différentes, collègues, amies et colocataires : Prabha et Anu. La première, sans nouvelles de son mari, parti vivre en Allemagne, est chamboulée par la réception d’un mystérieux cadeau. La seconde vit en cachette son histoire d’amour avec un homme musulman. Deux individualités contraintes par leur condition sociale et pourtant éprises de libertés, que la réalisatrice ne semble d’abord leur autoriser qu’au moyen de visions sobrement poétiques.

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Les Fleurs de Mumbai

Sans effusion ou démonstration, Payal Kapadia s’attache à dépeindre des trajets de personnages à la fois intériorisés et extériorisés, indicibles et concrets. Elle opte pour une narration modeste et minimaliste où les enjeux se situent souvent dans la suggestion et les interstices. Cette retenue apparente n’exclut pas en cours de route une rupture géographique, amplifiant d’un même élan son projet de cinéma. 

Loin de la ville et des regards, la cinéaste et ses protagonistes disposent d’un nouvel espace de liberté à apprivoiser où tout semble désormais possible. Une forme de plénitude et de libération irrigue alors le long-métrage, jusque dans la représentation formelle des héroïnes, à commencer par le rapport à leurs corps. Discrètement et sereinement, une lumière (annoncée dès le titre), irradie leurs horizons, ouvre de nouvelles perspectives et impose un optimisme lucide.  

à lire aussi : Les Graines du figuier sauvage, la loi de Téhéran

All we imagine as light
De Payal Kapadia (France, Inde, Luxembourg, Pays-Bas, 1h58) avec Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam…
En salles le 2 octobre 2024.

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