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On peut toujours rêver au festival Lumière...
Par Vincent Nicolet et Jean-François Dickeli
Publié Vendredi 27 septembre 2024
Photo : On aura tout vu photo © Malavida Gaumont
Festival Lumière
Pour cette 16ème édition du Festival Lumière, c'est l'actrice Isabelle Huppert qui recevra le prix tant convoité. Au programme, on pourra retrouver une projection sur écran géant des Douze travaux d'Astérix, des rétrospectives de l'acteur Toshiro Mifune et du réalisateur Fred Zinnemann, sans oublier des ciné concerts.
Do the Right Thing / Comme chaque année depuis quinze ans, Lyon s’apprête à vivre au rythme du festival Lumière. Neuf jours durant, du 12 au 20 octobre, les salles obscures (mais pas seulement) accueilleront une programmation imposante et des invités de prestige à commencer par la reine de l’édition, Isabelle Huppert, 16ème prix Lumière.
À travers les diverses sélections, composées de courts et longs-métrages, documentaires et fictions, qui alimentent les 420 séances annuelles, émerge un constat. L'événement tend à rapprocher deux temporalités du septième art, à établir un dialogue implicite entre les cinémas d’hier, d’aujourd’hui et de demain. D’un côté, un choix d’hommages (Costa-Gavra, Giuseppe Tornatore) et de rétrospectives (Fred Zinnemann, Toshiro Mifune, Matilde Landeta), rendant vivant un passé essentiel. De l’autre, des avant-premières et des rencontres avec des artistes qui, de Coralie Fargeat à Justine Triet notamment, ouvrent le champ des possibles quant à l’avenir.
Roman (inter)national
L’un des plus grands promoteurs de cette « mémoire du cinéma », sera mis à l’honneur grâce au documentaire René Chateau : panthère noire et films cultes. Retour sur la vie et la carrière de l’ancien attaché de presse de Jean-Paul Belmondo devenu éditeur vidéo et programmateur, qui fit, en son temps, certains choix audacieux. Toujours prompt à diffuser des restaurations sublimes de classiques vénérés, Lumière permet de découvrir des longs-métrages méconnus de grands cinéastes. C’est le cas de la comédie policière Le Dortoir des grandes d’Henri Decoin, qui suit l’enquête d’un inspecteur incarné par Jean Marais, sur le meurtre mystérieux d’une élève de pensionnat. Quatre nuits d’un rêveur, réalisation tardive du génial Robert Bresson, tournée au début des années 70, se penche quant à lui sur les errances nocturnes de deux solitaires en plein Paris. Comment imaginer que le festival s’abstienne de rendre hommage à Alain Delon ? Soleil rouge et surtout l’immense Rocco et ses frères de Luchino Visconti seront synonymes d’ultime adieu à l’acteur récemment disparu.
Célèbres pour leurs drames en technicolor (Le Narcisse noir, Les Chaussons rouges), Michael Powell et Eric Pressburger ont toujours occupé une place importante à l’Institut Lumière qui édita même certains de leurs films en DVD. En 1949, ils signaient The Small Back Room. Portrait d’un démineur alcoolique et dépressif qui accepte une mission périlleuse, le film promet de beaux moments de tension. On ne saurait enfin que conseiller de s’intéresser à Jaguar du Philippin Lino Brocka. Auteur majeur et pourtant oublié, en dépit de ressorties ponctuelles, il laisse derrière lui une œuvre pléthorique.
Passés recomposés
L’Italie occupe une place importante parmi les nouvelles restaurations avec, entre autres, trois longs-métrages qui piquent notre curiosité. La Porte du ciel tout d’abord, un drame autour de la question de l’espoir et de la foi signé d’un Vittorio De Sica qui révolutionnera le cinéma trois ans plus tard avec Le Voleur de bicyclette. Instant OVNI ensuite avec Sans rien savoir d’elle, le rarissime et unique giallo réalisé par Luigi Comencini. Enfin, le grand Marco Bellocchio sera célébré au travers de son puissant Viol en première page porté par Gian Maria Volonté. En parallèle, Giuseppe Tornatore sera présent dans la capitale des Gaules, le temps d’une master class et d’une mini-rétrospective (Cinéma Paradiso, Ils vont tous bien, Ennio).
Sur un autre spectre de l’échiquier cinéphile, notons la projection d’Hellraiser, fable SM horrifique, organique et sensuelle de Clive Barker. Dans un registre plus léger, ne faîtes pas l’impasse sur On aura tout vu. Une très bonne comédie de George Lautner (script de Francis Veber) où Pierre Richard incarne un scénariste qui se tourne vers un producteur de porno (magistral Jean-Pierre Marielle) pour financer son projet de long-métrage. La section Cultes !, contient sa pépite rarement montrée sur grand-écran, la fresque historique et politique mésestimée de Spike Lee, Malcolm X, avec dans le rôle-titre, Denzel Washington.
L'Avenir
La multi récompensée Justine Triet, inaugurera un nouveau rendez-vous avec le public lyonnais, au cours duquel elle reviendra sur sa cinéphilie. Le rapport d’un réalisateur au cinéma est l’un des sujets clés de Spectateurs !, présenté en avant-première en présence d’Arnaud Desplechin, dans lequel Paul Dédalus, son alter-ego est incarné par Milo Machado-Graner (Anatomie d’une chute). À noter, que dans le cadre de l’hommage rendu à Benicio del Toro, est également programmé son très bon Jimmy P.
Le plus français des masters of horror, Alexandre Aja assurera une rencontre, en plus de présenter la nuit Voyage au bout de l’horreur dans le cadre de laquelle La Colline a des yeux (probablement son meilleur film) sera projeté. Quelques jours plus tôt, toujours dans le registre horrifique, aura eu lieu l’avant-première la plus attendue de l’édition, The Substance de Coralie Fargeat, après un accueil triomphal au festival de Cannes en mai dernier. Incarnation en puissance du passé, présent et futur à travers sa filmographie, Jacques Audiard, possible plus grand cinéaste français en activité, présentera la copie restaurée de Sur mes lèvres. L’un de ses opus fondateurs, précédant rétrospectivement sa légitime consécration. Témoin, passeur et acteur de l’histoire du cinéma, il illustre à sa manière le dessein de la manifestation.
Isabelle Huppert : Le jeu de la reine
Résumer la carrière d’Isabelle Huppert en treize films n’est pas une chose aisée. De cette mission impossible, le festival Lumière a concocté une rétrospective brassant un spectre allant de 1977 à 2018. Un jeu d’équilibriste à la fois habile et inévitablement frustrant au vu des possibilités, alternant temps forts incontournables et raretés sur grand écran.
On retrouve le film de la révélation publique (La Dentellière), celui de l’explosion critique et de la rencontre avec Claude Chabrol (Violette Nozière), les performances multi-récompensées (La Cérémonie, La Pianiste, Elle)… Ces choix évidents (et incontestés) coexistent avec des partis-pris intelligibles. Donner, par exemple, l’opportunité de découvrir un pan plus populaire et léger de sa filmographie avec Coup de torchon, Sac de nœuds ou La Daronne. Ou encore un aperçu de ses exils, de la légendaire Porte du Paradis au nettement plus méconnu, In Another Country du stakhanoviste Hong Sang-Soo. Un échantillon qualitatif et une belle porte d’entrée sur une œuvre ultra imposante.
Plateformes et festival : le loup dans la bergerie ?
L’édition 2018 avait marqué un tournant dans l’histoire du festival. Pour la première fois figurait à son programme un film destiné à la SVOD : Roma. Quelques semaines plus tôt, celui-ci remportait le Lion d’or à la Mostra de Venise. Ses projections lyonnaises furent parmi les rares occasions pour le public français de découvrir le magnifique drame d’Alfonso Cuarón dans des conditions dignes de ce nom. Les critiques furent légion mais les salles pleines à craquer.
Depuis, les relations entre Lumière et les diverses plateformes n’ont cessé de s’accentuer. De plus en plus de cinéastes majeurs tournant pour ces mastodontes, il n’est pas illogique que le festival s’adapte aux évolutions de l’industrie. Ainsi, de grandes réussites indissociables du grand-écran (The Irishman, l’oscarisé Power of the Dog, Bardo ou même Soul, dernier chef-d’œuvre en date du studio Pixar) marquent les dernières éditions dans des séances où l'apparition des logos de Netflix, Disney ou Apple TV s’accompagne de sifflets. Au milieu de ces poids lourds, de la place a également été laissée pour des longs-métrages plus discrets. On the Rocks de Sofia Coppola ou The Wonder de Sebastian Lelio, deux œuvres qui bénéficient assurément de ce type de séances événements pour exister hors d’un flux de contenus.
L’édition 2022 a introduit une donnée nouvelle dans l’équation, la projection d’une série Netflix dans son intégralité (près de six heures), Copenhagen Cowboy de Nicolas Winding Refn. Les venues par le passé de Paolo Sorrentino (The Young Pope), Jane Campion (Top of the Lake) ou Walter Hill (Deadwood), avaient déjà prouvé que la série pouvait avoir sa place au sein d’un festival dédié au cinéma de patrimoine. Cette année, Alfonso Cuarón (encore lui !) sera là pour présenter les sept épisodes de Disclaimer. Ce drame journalistique (attendu sur Apple TV) tiré du roman de Renee Wright, fait d’ores et déjà partie des séances les plus excitantes de cette seizième itération. Le moment est-il venu de renverser définitivement les barrières ? Qui gagne dans l’affaire, si ce n’est les œuvres ?
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