Doubler le cap. Essais et entretiens

J.M Coetzee / Seuil


Ce premier recueil d'essais et d'entretiens traduit en français du sud-africain J.M Coetzee est une véritable mine puisqu'il est tout à la fois un autoportrait, une biographie intellectuelle et une éblouissante réflexion sur la littérature en général et sur son œuvre en particulier. Prix Nobel de littérature en 2003, l'auteur de Disgrâce ou Vers l'âge d'homme a en effet mené, en parallèle de son activité romanesque, un important travail de critique littéraire, et ceci autant sur des contemporains (Rushdie, Appelfeld ou Mahfouz) que sur de «grands anciens». Parmi ces figures tutélaires, Coetzee revient longuement sur celui qui a beaucoup contribué à son passage à l'écrit : Samuel Beckett. Son regard sur l'œuvre de l'Irlandais nous en apprend d'ailleurs autant sur Watt ou Murphy que sur ses propres travaux... Si Coetzee apporte de grands éclairages sur la dimension autobiographique d'auteurs aussi divers que Dostoïevski ou Rousseau, on appréciera particulièrement les textes consacrés à des auteurs d'Afrique australe plus confidentiels, autant que ses essais plus engagés au sujet de l'apartheid et du racisme. Quant aux entretiens, ils nous révèlent un J.M Coetzee dont le rapport à l'écriture est de l'ordre de la révélation et de l'art de vivre : «Nous écrivons parce que nous ne savons pas ce que nous voulons dire. Écrire nous révèle ce que nous voulions réellement dire au départ. Et même, il arrive que cela construise ce qu'on veut ou ce qu'on voulait dire. [...] Tel est le sens dans lequel on peut dire que l'écriture nous écrit. L'écriture montre ou fabrique (et nous ne sommes pas toujours sûr de pouvoir distinguer l'un de l'autre) ce qu'était notre désir, un instant plus tôt». YN


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