ALI FARKA TOURÉ

Savane World circuit/Harmonia Mundi


C'est d'outre-tombe que la voix d'Ali Farka Touré nous parvient aujourd'hui. Décédé cette année d'un cancer des os, le musicien malien avait mis ses dernières forces dans cet album testament, enregistré sur près de deux ans, et qui apparaît pour beaucoup comme son œuvre la plus aboutie. La voix, donc : plus que l'urgence et la gravité, c'est la lutte entre résignation et colère qui semble faire vibrer les cordes vocales de Farka Touré. "Au lieu de nous donner non seulement des bombes, donnez-nous des motopompes pour que l'on puisse quand même subvenir à nos besoins naturels, retrouver la vie, le savoir et la sagesse", dit-il sur le morceau-titre, chanson d'expatrié dont l'âme et la conscience sont restées dans son pays d'origine. Cette longue complainte est le pivot du disque, à partir duquel tout le reste se déploie avec une grâce peu commune. Par la splendeur de ses arrangements (qui mélangent instruments traditionnels maliens, notamment le n'goni dont Farka Touré est un des maîtres, et guitares modernes) et l'atmosphère de recueillement, de célébration et de mélancolie qui irriguent alternativement les chansons (en particulier sur la deuxième moitié du disque, très impressionnante), Savane est une œuvre furieusement vivante. On verra la semaine prochaine, avec la sortie de Bamako au cinéma, qu'au Mali, cette vie-là n'est pas qu'une affaire musicale...CC


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Wolfen