Photo-sensible


Expo / Chimiste de formation, grand regard franc et bleu, et cheveux coiffés au carré, la photographe finlandaise Elina Brotherus a les idées, comme les images, claires et distinctes. Des cadrages frontaux, un soin ultra-précis apporté à ses compositions, ses couleurs et ses lumières qui tendent souvent vers un blanc laiteux... Parfois, ses dispositifs trop cérébraux ou ses clins d'œil appuyés à l'histoire de l'art agacent même un peu : dans ses diptyques intitulés «points de vue», par exemple, qui ne sont autres que des champs et contrechamps où l'on voit successivement la photographe de face et de dos au sommet d'une montagne, ou au voisinage d'un phare. Mais, au-delà de cette première impression un peu rêche, on découvre dans ses photographies du silence et du vide, un mystère en suspens, une tonalité méditative et hypnotique qui filtre comme un gaz discret. L'artiste cartésienne s'avère plus fragile et complexe qu'il n'y paraît. Les images qu'elle expose au Bleu du Ciel appartiennent à deux périodes : celle d'autoportraits où elle traque ses propres émotions (étonnante photographie où on la voit assise à une table de cuisine, pelant une figue sous un triangle de lumière, accablée de solitude), et celle plus récente où l'artiste, considérant la photographie comme une forme renouvelée de la peinture, s'attèle à des problèmes plus formels et esthétiques. Caspar David Friedrich comme d'autres peintres, la littérature et la musique classique font partie de ses sources d'inspiration. Et Brotherus atteint le sommet de son art, à la fois formel et sensible, dans une image superbe : deux personnages saisis de dos, debout sur une étroite bande de sable, fixant la mer et le ciel entremêlés, comme si peu à peu tout le paysage tirait vers le blanc, l'absence, le silence... Jean-Emmanuel DenaveElina BrotherusAu Bleu du CielJusqu'au 27 oct.


<< article précédent
Dead or alive ?