Roman noir sur fond blanc

Rencontre / Le désormais très populaire Jean-Paul Dubois est de passage à Lyon pour présenter Hommes entre eux, un roman cruel et désenchanté ayant pour cadre le Grand Nord canadien. Glaçant. Yann Nicol


L'année dernière à la même époque, Jean-Paul Dubois sortait un livre particulièrement léger et amusant sur la chronique d'un chantier cauchemardesque (Vous plaisantez, Monsieur Tanner). Le seul point commun entre cette comédie burlesque hilarante et Hommes entre eux, son dernier roman, est le prénom de son personnage principal puisque après Paul Tanner et Paul Blick (Une vie française) on retrouve ici un certain Paul Hasselbank. Quinquagénaire toulousain (toute ressemblance avec l'auteur...) atteint d'une maladie incurable, Paul décide de se mettre sur la trace d'une femme qu'il a aimée autrefois et qui l'a quitté sans laisser d'adresse. La seule piste qu'il possède est une carte envoyée par Anna (chez Dubois, les hommes s'appellent Paul et sont abandonnés par des femmes inoubliables nommées Anna) d'un village d'Ontario, dans le Grand Nord canadien. Au cœur de ce village, North Bay, vit un colosse nommé Floyd Patterson. Paul et ce chasseur de Wapitis n'ont aucun point commun, mis à part Anna, qui fut la maîtresse de Patterson pendant quelques mois. L'un est comme retiré du monde, en attente d'une fin proche et certaine. L'autre, qui subit jadis une greffe du coeur, est un être ancré dans les plaisirs de la chair et de l'existence. Alors que les deux hommes se retrouvent, une tempête de blizzard va les obliger à rester enfermés dans un chalet isolé pendant plusieurs jours. S'ensuit un huis clos étouffant et intense durant lequel les deux hommes vont petit à petit découvrir leur véritable nature...Tâche de sang frais sur neige viergeCe face à face nous rappelle immanquablement les combats d'Ultimate Fighting auxquels assiste Paul lors de son arrivée au Canada et qui constituent le fil rouge (sang) de ce roman sombre et désespéré. Comme dans ces horribles affrontements, le duel se finira mal : c'est ce à quoi sont réduits les hommes lorsqu'ils se retrouvent entre eux. Dans un décor à la fois sauvage, hostile et envoûtant, Dubois parvient à créer une ambiance inquiétante où les repères de chacun des personnages s'effacent aussi vite que le chalet sous la tempête de neige. Il oublie son habituel sens de l'humour et de l'ironie pour nous livrer une vision du monde et de la nature humaine d'un pessimisme profond. La brutalité bestiale de l'homme ne trouve d'apaisement que dans la violence gratuite, la cruauté et le sang. L'amour, cette vieille illusion que les hommes trahis continuent à entretenir, n'a de place que dans les souvenirs. La solidarité et l'entraide sont des leurres pour mieux piéger son meilleur ennemi. Même la relation filiale a quelque chose de vicié... Dans une dernière scène fulgurante, Hommes entre eux dit finalement avec beaucoup d'intensité l'impossible rédemption, l'incapacité à comprendre l'autre, l'effroyable solitude et la propension au mal qui habitent des personnages réduits à leur part animale. Pas très rassurant, certes, mais tellement humain.Jean-Paul Dubois, au forum de la Fnac Bellecour Le 12 fevrier à 17h30


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