Beauté désintéressée


Danse / Russell Maliphant est un chorégraphe de la lumière. Avec son acolyte Michael Hulls (designer lumière), il ne cesse de jouer de plans lumineux complexes, de clairs-obscurs, d'ombres et de pénombres. Du coup (tordu), on pense à ce philosophe des Lumières, Emmanuel Kant, et à son concept de «beau désintéressé». Un beau sans tripes ni politique, un pur plaisir des yeux, libido et cerveau mis en sourdine. La collaboration entre Russell Maliphant et la danseuse étoile Sylvie Guillem c'est un peu cela : juste du beau, au risque que le spectateur finisse par s'en désintéresser... Premier solo de la virtuose sur musique flamenco : nappes de lumière bleutée, douces voltes raffinées de la danseuse sur elle-même, une jambe jetée ici et là avec une facilité déconcertante ; Sylvie s'échauffe. Second solo exécuté par Maliphant : une danse molle et ennuyeuse qui n'a pour faible intérêt que ses multiples dédoublements en ombres chinoises ; Russell s'échauffe. Les choses s'emballent un peu ensuite : Two est un solo où Sylvie Guillem déploie d'abord lentement son torse et ses bras, élargit l'espace lumineux qui lui est imparti, fouette la lumière, puis fuse en tous sens jusqu'à la transe, comme seule la vitesse d'exécution d'une Étoile le permet. Dans Push enfin, Maliphant et Guillem dansent ensemble. Deux corps blancs qui démontrent ce qu'est, à son acmé, s'enlacer l'un à l'autre. Qu'il s'agisse de portés, de glissades ou de danse au sol, ils semblent littéralement se fondre l'un dans l'autre, lovés en volutes souples et légères. La gestuelle est d'une fluidité fascinante et emporte le regard dans une sorte de trip hypnotique. Le beau commence à devenir émouvant, mais le rideau se baisse déjà... Et nous de rester sur notre faim, nous, les intéressés. JEDPushRussell Maliphant et Sylvie GuillemÀ l'Opéra de Lyon, mercredi 22 novembre à 20h30


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