Gare au gorille

Musique / De la chanson française racée nourrie aux tensions rock et aux bricolages savants. Après avoir écumé les cafés-concerts de la ville en long, en large et en travers, King Kong Vahiné espère passer aux choses sérieuses. Emmanuel Alarco


"King Kong Vahiné ? Vous devriez aimer au Petit Bulletin, c'est très Dominique A." Voilà comment les oreilles averties nous avaient à maintes reprises présenté la bête. En même temps, difficile au premier abord de ne pas faire le rapprochement. "Heureusement, je ne chante pas comme lui, nous confie Denis (Doctor King), après c'est évident que ça a été une gigantesque claque pour nous trois. À l'époque ça m'a conforté dans l'idée qu'on pouvait écrire des choses très personnelles, sans tomber dans l'excès, en étant hyper sobre et concis." Cette leçon d'écriture au cordeau, Denis l'a parfaitement retenue et si d'évidents échos a-nesques résonnent dans ses mélodies, c'est bel et bien dans ses mots que l'on savoure la filiation. Des mots simples et secs qui racontent l'ennui, les sauts dans le vide ou les angoisses de la fin du jour, sans complaisance ni emphase, mais avec une belle sensualité quand il s'agit d'évoquer un lieu, une lumière ou la valse des éléments.Ménage à troisMais King Kong Vahiné est loin de se résumer à son seul médecin-chef (en vrai il est instit'" en restructuration", mais bon...). La naissance du groupe remonte à 3 ans et est en fait le fruit du clash de leur première formation Le Bruit des touches. "On était 6 ou 7, c'était acoustique, très orienté chanson, mais ça a explosé après l'enregistrement de notre premier disque, raconte Denis. Stéphane et moi avions des pulsions rock que les autres ne partageaient pas forcément, tout comme l'envie de faire de la musique de façon plus professionnelle." Pour ce qui est des élans électriques, c'est surtout du côté dudit Stéphane(Mister Kong, aujourd'hui à la basse et aux percussions) qu'il faut se tourner : enfant du punk, de la cold wave et de tout ce que le rock compte de déviances, il incarne à merveille le côté obscur du groupe, cheveux de geais et regard ténébreux à l'appui. Denis, s'il a lui aussi ressenti le besoin "rebrancher sa guitare", est un authentique passionné de chanson, des indéboulonnables Ferré, Brassens, aux plus proches de nous Florent Marchet ou Philippe Poirier (ex-Kat Onoma), en passant par le Yves Simon des débuts. Plutôt amusant de voir cet abonné à Chorus (mythique revue de puristes) s'émerveiller de sa récente découverte d'Arcade Fire ou peiner à retrouver le nom de Franz Ferdinand qu'il écoute en ce moment. Un décalage touchant et complètement raccord avec l'imagerie élégamment désuète que véhicule le groupe sur scène, comme dans la très jolie pochette conçue par Mister Kong himself. Et si King Kong Vahiné fait définitivement figure d'ovni venant d'une époque qui nous échappe - ni révolue, ni à venir, appartenant plutôt à une dimension parallèle -, il le doit aussi à sa présence féminine. Cécile (Fraülein Vahiné, aussi discrète et timide que sa voix est claire et déterminée), qui modestement, dans son coin, se paie le luxe de signer la chanson la plus entêtante de l'album... en Allemand ! Une gageure des plus improbables parfaitement à l'image de ce drôle de grand singe au collier fleuri.King Kong VahinéA la Belle EquipeJeudi 26 janvier à 21 heures


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Des étrennes pour la musique