Rustre comme il faut


Critique / L'histoire se passe dans la Venise du XVIIIe siècle. Dans une famille de bourgeois fortunés, Canciano, vieillard acariâtre et macho qui tient sa petite famille sous bonne garde, entreprend de marier sa fille Lucietta, sans lui donner l'occasion de rencontrer son futur époux avant la noce. Mais c'est sans compter sur l'intervention de sa femme... et des amies de sa femme. La bataille entre hommes et femmes s'engage, elle sera perdue comme il se doit par ces messieurs, piètres assaillants au jeu des mots. Les hommes, "les rustres", sont de vilains bougres, dominateurs, avares et tyranniques, ridicules et faibles devant des femmes intrigantes et fines qui parviennent toujours à leurs fins. Mais laissons là l'histoire au charme suranné qui, on s'en doute, se terminera par l'heureux mariage des deux tourtereaux, pour la plus grande joie des comploteuses. On n'ira sans doute pas au Théâtre Tête d'Or pour assister à une pièce bouleversante et se jeter à corps perdu dans une intrigue captivante. Tout l'intérêt de cette comédie repose sur la présence des acteurs qui brillent par la justesse de leur interprétation. Jean-Philippe Beche fait des émules dans le rôle du méchant et Nadine Capri est une grande dame indignée de haut vol. Mais c'est évidemment Michel Galabru qui emporte la partie. La présence qu'il dégage, sinon qu'il impose sur scène, suffit à justifier le dépouillement des décors et la sobriété de la mise en scène voire à excuser l'adaptation française du texte de Carlo Goldoni, quelque peu cavalière. Galabru n'est pas adepte des excès, un haussement de sourcils, une moue boudeuse suffisent assez à emporter l'adhésion de la salle. L'homme prend un plaisir communicatif à jouer et arracherait un sourire (voire un début de rire) au plus récalcitrant des activistes de la lutte anti-théâtre de boulevard. Le plus mauvais esprit du monde ne résiste pas à son charisme ni à son charme, nous non plus.Dorotée AznarLes RustresAu Théâtre Tête d'OrJusqu'au 17 février


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Galabru, homme-orchestre