"Mitterrand est une allégorie"

Interview / Robert Guédiguian, réalisateur du Promeneur du Champ de Mars. Propos recueillis par CC


Pourquoi un cinéaste politique comme vous a attendu autant de temps avant de faire un film historique ?Robert Guédiguian : Si on est engagé dans la vie, on fait forcément des films engagés, et cet engagement se manifeste partout, dans n'importe quel sujet que l'on traite. Ce n'est pas le sujet qui fait qu'un film est politique, c'est le point de vue que l'on a dessus. Mais c'est vrai que je n'avais pas eu l'idée de travailler sur Che Guevara ou sur la vie de Lénine...Est-ce que ça entraîne des contraintes ?On travaille sur un personnage ayant existé, et on doit veiller à ne pas faire de contresens. C'est vrai sur Mitterrand, c'est vrai sur Alexandre aussi... Mais on les tire là où on a envie de les tirer pour questionner le réel aujourd'hui. À l'évidence, sur ce film-là, j'ai travaillé sur Mitterrand et la conquête du pouvoir, pas sur l'exercice. Mais ce n'est pas un contresens. Mitterrand a eu l'idée de l'union de la gauche, c'était sa stratégie de 71 à 81.Le fait de ne citer aucun nom était-il une de ces contraintes ?Non, c'est un parti pris absolu. Je m'en fous de tous les autres dans le film. Dans cette fiction consacrée aux derniers temps de Mitterrand, il fallait se dégager de tout aspect documentaire pour faire quelque chose de plus allégorique. Mitterrand est une figure historique, une allégorie de la possibilité du socialisme en Occident. Ce qu'il restera de lui, c'est Mai 81, pas la peine de mort ou les grands travaux.Est-ce que Michel Bouquet a apporté sa propre vision de Mitterrand ?Non. Très vite, il a fallu travailler sur le scénario comme si le personnage n'avait pas existé. Il fallait se départir de l'idée qu'on avait de Mitterrand pour réinventer quelque chose. Je me disais que si le film marche, au bout d'un quart d'heure, on aura oublié Mitterrand. Mais si ce n'était pas Bouquet, je n'aurais pas fait le film, parce que c'est le seul acteur qui a une théâtralité naturelle. Depardieu ne peut pas jouer un ministre, mais Bouquet peut jouer un Roi, un Roi shakespearien.


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Des films sans Histoire ?