Pressé comme un Citron

Actu / Où l'on reparle du vieux serpent de mer sonore qui agite la vie nocturne lyonnaise depuis des lustres : en annonçant la suspension de ses concerts, le café-rock Le Citron rouvre le débat sur la viabilité de cafés-concerts soumis à toujours plus de contraintes. Stéphane Duchêne


Il y a dix jours, Le Citron a émis un communiqué très énervé annonçant la suspension, à dater du 1er mars et jusqu'à nouvel ordre, de ses concerts. Raison invoquée par Fred, son propriétaire : un ras-le-bol et un sentiment d'impuissance face aux multiples contraintes liées aux nuisances sonores. Contraintes redoublées au 1er janvier par l'interdiction de fumer qui rapatrie les clients fumeurs sur les trottoirs pour le plus grand bonheur du voisinage. La goutte qui a fait déborder la pinte : «entre les problèmes liés aux nuisances sonores et maintenant la clope, c'est devenu ingérable. Je préfère anticiper avant d'être victime d'une plainte qui me fera fermer définitivement. J'ai fait le maximum pour tenter de réduire les nuisances, je ne peux pas faire plus». Et comme bien souvent, derrière les incantations plus désespérées que fondées, du style «on veut déménager la vie nocturne au Confluent», la Municipalité se trouve accusée de tous les maux ou en tout cas de ne pas chercher à les résoudre : «quand tu votes des lois qui rétrécissent l'activité, il faut prévoir des palliatifs. Parce que sur le terrain c'est très dur», ajoute Fred.Priorité aux Caf'conç'«Le problème, comme le reconnaît Jean-Pierre Bouchard chargé de mission musiques actuelles à la Ville de Lyon, dont le patron du Citron ne manque pas malgré tout de souligner le travail acharné, c'est que soutenir les pratiques musicales c'est aller à contre-courant de l'évolution de la société et de tout un arsenal juridique. Nous-mêmes, dans notre travail, avons en permanence l'impression d'être en résistance et les lieux nous mettent sur le dos des lois qui ne sont pas de notre fait, comme l'interdiction de fumer, mais que nous ne pouvons pas pour autant trangresser». Pour Fred, le Salut des cafés-concerts est simple : que la mairie labellise et soutienne «quatre à cinq lieux, pas forcément plus», reconnus pour leur activité de défrichage musical. En les aidant notamment à assumer une insonorisation totale bien trop coûteuse : «à partir du moment où je suis sécurisé au niveau sonore, je continue. Mais même dans ce cas, il faut le temps que ça se fasse. Entre-temps, je ne peux pas me permettre de prendre de risques». Ça tombe bien, Jean-Pierre Bouchard l'affirme, les cafés-concerts sont au programme d'un éventuel deuxième mandat Collomb : «La priorité sera donnée à la vie nocturne et aux cafés concerts. Non seulement ils ont leur place dans le paysage musical lyonnais, mais nous avons conscience qu'ils sont essentiels au démarrage des groupes. On pense par exemple à une aide à l'investissement qui serait débloquée pour eux». Preuve que malgré les griefs, le dialogue n'est pas rompu, le patron du Citron et celui de la mission musiques se sont rencontrés pour en discuter. En attendant, le 1er mars, la scène rock lyonnaise sera orpheline de son principal QG.


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«Un quartier promis à un bel avenir»