Vertige de l'amour

Théâtre / Le collectif NÖjd avait créé et présenté la Musica deuxième en avril 2007 à l'Élysée. Pour tous ceux qui n'ont pas eu l'occasion de les applaudir, séance de rattrapage obligatoire au Point du Jour. Dorotée Aznar


La Musica deuxième fonctionne comme une enquête. Au détail près que dans le texte de Duras, ce sont les assassins qui mènent les investigations. Un homme et une femme se retrouvent dans un hôtel de province, un palace dans lequel ils se sont aimés plusieurs mois durant. Ensuite, ils ont fait comme tout le monde ; ils étaient jeunes, ils s'aimaient, ils se sont mariés, installés ont fait de leur quotidien un enfer, jusqu'à ce qu'elle ait le courage de fuir. Trois ans plus tard, le jour de la dissolution de leur mariage, c'est dans le hall du même hôtel qu'ils passent une dernière nuit ensemble, avant d'aller aimer ailleurs, avant qu'il ne soit trop tard. Une nuit pour chercher à comprendre leur échec et jouer à se faire mal, une dernière fois. Pas de nostalgie dans le texte de Duras ; si le temps permet d'oublier les blessures, il permet également de les réinventer. Petites merveilles
Dans sa mise en scène, le collectif NÖjd ne nie pas la noirceur du texte. Pourtant, dès les premières secondes, on prend le parti de la distance. Le public est accueilli par un acteur traveloté caricaturant Marguerite Duras dont les multiples chutes provoquent l'hilarité, les acteurs se débarrassent rapidement d'un narrateur trop encombrant par la force ou compensent tant bien que mal l'absence délibérée de décor. Mais ne nous y trompons pas, les comédiens ne se livrent pas à un jeu de clowns et l'humour sait aussi faire place à l'intensité dramatique. Combien de comédiennes peuvent faire naître une tension sexuelle palpable dans une salle de théâtre en déboutonnant simplement une veste ? Comment reprendre a capella et en chœur une chanson de Nirvana au beau milieu d'une pièce sans perdre l'attention des spectateurs ? Comment donner la même force à une scène d'hystérie et à la vision d'une main qui se pose sur une épaule ? Ce sont ces tout petits miracles qu'accomplissent les comédiens du collectif, multipliant à l'envi les tentatives et sautant d'un registre à l'autre. Tout cela pourrait au mieux tomber à plat, au pire agacer. Et pourtant, NÖjd nous transporte dans son univers déjanté, empli de trouvailles minuscules mais toujours pertinentes, non sans rappeler au passage leurs voisins belges de TgStan.La Musica deuxième
Au Théâtre du Point du Jour jusqu'au 29 mai.


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