Et la lumière fuse...

Tout a disparu, ou presque, sur les toiles de Expo / Nicolas Delprat pour laisser place à l'essentiel : des sources de lumière diffuse, des nébuleuses mystérieuses. Un minimalisme des formes pour un maximum de sensations. Jean-Emmanuel Denave


Né à Rennes en 1972, formé à l'École des Beaux-arts de Lyon, Nicolas Delprat embrasse dans son œuvre picturale les enjeux les plus anciens et fondamentaux de la peinture (la fenêtre ouverte sur le monde, la lumière), des influences contemporaines diverses (James Turrell, Dan Flavin...) et l'univers du cinéma. Un artiste «extra large» mais jamais démonstratif. Son exposition s'ouvre sur une grande cimaise noire sur laquelle est accroché un titre en lettres de néons rouges : «The dawn of man». Une bande sonore sourde et inquiétante en émane, qui nous accompagnera tout au long de notre déambulation, véritable expérience sensorielle teintée d'angoisse et d'incertitude... Les aficionados de Kubrick auront reconnu le nom du premier chapitre de 2001 l'odyssée de l'espace : «l'aube de l'homme» avec ses premiers plans de lever de soleil sur des contrées désertiques, et la référence aussi au monolithe noir. Le cinéma (celui de Kubrick, de science fiction en général, David Lynch, l'expressionnisme allemand...), son dispositif, sa qualité particulière d'image projetée, ses cadrages nourrissent la plupart des œuvres exposées. Une première toile montre d'ailleurs une sorte d'écran blanc luminescent, flottant au milieu du noir le plus complet. Est-ce une salle de cinéma réduite à sa plus simple expression, une source lumineuse abstraite...? Peu importe : la toile nous trouble durablement, sa lumière vive tremble avec des contours verdâtres diffus traités à la Rothko. Illuminations
Ailleurs, on découvre une série de derricks résumés à une simple silhouette noire derrière lesquels s'étalent des halos lumineux aux couleurs et aux intensités variables ; puis deux toiles de montagnes traitées elles-aussi en silhouettes noires qui masquent partiellement les rayons diffus et atmosphériques d'une masse nébuleuse. Une série intitulée «Zone» nous fait encore plus forte impression : derrière des grilles ou des grillages apparaissent des jets et des vapeurs de lumière, des ombres colorées fantomatiques... On ne saurait en déterminer la provenance précise (phares de voiture, projecteurs, explosions, présences surnaturelles...?) et le peintre nous invite à la divagation du sens et des sens. Il y a même quelque paradoxe à tenter de voir ce qu'il y a au-delà de ces grillages quand après tout il s'agit de sources lumineuses qui éclairent, enveloppent le spectateur. Ces tremblements et ces frissons de lumière, que l'on voit et qui nous regardent, arrachent à notre inconscient visuel des affects ambigus, des bribes de fictions, des fragments d'images à moitié oubliées, voilées...Nicolas Delprat, «The dawn of man»
À l'Espace Arts Plastiques de Vénissieux, jusqu'au 3 juillet.


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